Je veux vous parler de l'Europe lointaine, l'Europe ultramarine dont je fais partie : plus de 8 000 kilomètres séparent Mayotte de Bruxelles. Cette distance pourrait faire oublier que nous faisons partie intégrante de l'Union européenne.
Mayotte, ainsi que la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Saint-Martin comptent parmi les neuf régions ultrapériphériques européennes qui ont obtenu en 2017 un mémorandum demandant à la Commission européenne « d'assurer un saut qualitatif majeur dans la prise en compte de ces territoires au sein des politiques de l'UE ». Nonobstant la gestion pour le moins erratique de certains fonds européens dédiés à Mayotte, des améliorations ont été obtenues depuis 2017. Le chemin à parcourir sera toutefois encore long avant que les spécificités de nos territoires soient pleinement intégrées aux politiques menées.
Nous attendions de la France qu'elle profite de sa présidence pour changer le regard de l'Europe sur les territoires d'outre-mer. Le renouvellement du partenariat stratégique de l'Union européenne avec les régions ultrapériphériques en mai 2022 est un bon signal. Mais il se fera à budget constant, c'est-à-dire avec des financements largement insuffisants pour permettre une véritable amélioration de notre sort.
Au-delà de la question spécifique des outre-mer, abordons plus globalement le bilan de la présidence française, qui nous semble pour le moins contrasté. En matière de traités commerciaux, notamment, nous espérions obtenir des progrès concernant les clauses miroirs. Le sujet a déjà été abordé et un rapport de la Commission sur la réciprocité des normes a été rendu devant le Conseil de l'Union européenne et approuvé par les ministres des pays membres. Toutefois, rien ne s'est concrétisé dans les textes adoptés. L'accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande risque ainsi d'entrer en vigueur sans qu'il soit fait allusion au respect des normes d'élevage fixées par la réglementation européenne.
Toujours sur la question des accords internationaux, un traité a été ratifié entre l'Union européenne et les Seychelles afin de permettre à huit navires battant pavillon seychellois de pêcher du thon dans nos eaux de l'océan Indien. Disons-le, cette décision a été prise au détriment de la population mahoraise, qui verra ses ressources halieutiques pillées par des navires étrangers.
De même, je regrette l'absence d'inflexion majeure dans la politique migratoire européenne. La France se targue d'appliquer une approche graduelle et a priorisé un renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l'Union. La seule avancée tangible réside dans un mécanisme de solidarité volontaire et temporaire, qui ne sera pas contraignant d'un point de vue juridique. De la même façon, dans nos régions ultrapériphériques, des engagements ont été pris dans le cadre du partenariat stratégique mais l'immigration irrégulière continue et augmente. Dois-je rappeler la situation dramatique de Mayotte, qui est en passe de devenir le point d'entrée de l'Europe, en raison de la passoire qui lui sert de frontière ?