Madame la secrétaire d'État, vous avez dressé devant nous un très beau bilan de la PFUE, ce qui est bien normal : vous êtes dans votre rôle. Je ne vais pas revenir, comme lors de votre audition devant la commission des affaires européennes, sur les trois dernières amendes que la Commission européenne a infligées à la France. Vous n'avez pas répondu alors, sans doute parce que vous éprouviez de la gêne ; vous ne répondrez pas plus aujourd'hui.
Au cours de ces six mois de présidence française, vous aviez comme objectif de rendre l'Europe plus humaine. Mais entre les slogans et les actes, on constate toujours le même fossé. Alors que l'Union, ses États et ses citoyens faisaient preuve d'une générosité et d'une solidarité sans faille pour accueillir les Ukrainiennes et les Ukrainiens, prouvant au passage que l'accueil en masse et l'hospitalité sont possibles dès lors que la volonté politique est présente, le Gouvernement français, lui, plaidait au sein du Conseil pour le renforcement du contrôle des personnes aux frontières de l'Union à travers le règlement sur le filtrage et une surveillance accrue par le renforcement de la base de données biométriques Eurodac. Nous n'en sommes pas surpris car, ce faisant, vous n'avez fait que promouvoir au niveau européen durant ces six mois la ligne suivie tout au long du précédent quinquennat, celle de la loi « asile et immigration » de 2018, celle de la brutalité d'une communication sans résultats de la politique de M. Darmanin. La répression est donc en marche ; la solidarité, elle, fait l'objet d'une simple déclaration non contraignante qui, nous le savons, sera, comme les autres, non respectée.
La France a aussi échoué à lutter contre les discriminations. Certes, elle a fait adopter la directive qui fixe des quotas de femmes pour les entreprises cotées en Bourse, ce dont nous nous félicitons. Toutefois, qu'avez-vous fait de la directive sur la transparence salariale censée lutter contre les écarts de salaires entre les femmes et les hommes ? Rien, à l'image de votre inaction en matière d'égalité femmes-hommes, pourtant promue « grande cause du quinquennat ». Et qu'en est-il de la directive « égalité de traitement entre les personnes », qui doit permettre à l'Union européenne de lutter contre toutes les formes de discriminations dans tous les secteurs ? Proposée en 2008 par la Commission, alors que la France avait pris la présidence de l'Union, elle est, quatorze ans plus tard, toujours dans les limbes, alors que s'est achevée cette nouvelle présidence française. L'homophobie, elle, vit bien en Hongrie, en Roumanie ou en Pologne mais aussi en France, avec la nomination au sein du gouvernement de ministres dont les propos sur la communauté LGBT ont été décriés –Mme Cayeux et M. Béchu.
Qu'avez-vous fait encore de la directive de présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, qui aurait permis d'améliorer leur protection sociale et donc de lutter efficacement contre cette nouvelle forme de précarité ? Rien. Mais là encore, personne ne s'en étonne : le Président et le Gouvernement assument parfaitement leur rôle de courroie de transmission d'Uber et de toutes les entreprises qui bafouent les droits des travailleurs, allant jusqu'à lutter contre les avancées en matière de droits sociaux au niveau européen. La Commission a d'ailleurs souligné dans son rapport sur l'État de droit le laxisme français dans l'application des règles sur le lobbying, dont l'exécutif est exempté sans raison.
L'autre grande absente de la présidence française, madame la secrétaire d'État, est la réforme des règles budgétaires qui corsètent l'Union européenne depuis trop longtemps et l'empêchent d'investir massivement dans la transition écologique et dans l'accompagnement social qu'elle nécessite. La suspension de ces règles depuis le début de la pandémie, prolongée jusqu'à fin 2023 par la Commission, avait pourtant ouvert la voie à une réforme. Mais rien n'y fait. Vous n'avez pas su saisir cette occasion, alors même que le Président avait appelé à réviser les critères de Maastricht. Vous voilà revenus à vos vieilles habitudes : vous ne nous parlez que de dette financière et de cote d'alerte sur les finances publiques.
Nous, nous parlons de dette climatique, de dette écologique, de règles physiques qui ne doivent pas être rayées d'un simple trait de crayon. Nous parlons de lois qui s'imposent à nous et contre lesquelles, encore une fois, vous ne faites rien. Vous craignez les coûts et les milliards qui seront à dépenser, alors que votre inaction nous coûte bien plus cher encore : les conséquences des intempéries survenues en France entre les mois de mai et de juillet s'élèveront ainsi à presque 4 milliards.
La dette climatique, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), est exponentielle et sera bientôt ingérable : elle se chiffre non seulement en argent, mais également en soins, en compensations, en réparations. Encore une fois, peu vous importe, même si elle dépasse très largement la dette économique. Tels sont le véritable coût, la véritable dette que vous laissez aux générations actuelles et futures. Vous les condamnez au désastre climatique, d'une part, et au remboursement d'une dette liée à votre inertie, d'autre part.
Non seulement vous n'êtes pas parvenus à faire progresser cette réforme primordiale, mais vous n'avez pas non plus repris l'idée soutenue par la Commission et le Parlement européens de taxer les bénéfices exceptionnels réalisés par certaines entreprises. Nous avons également constaté que ce n'était vraiment pas une priorité pour cette assemblée. Avec vous, les multinationales peuvent dormir tranquilles : quoi qu'il en coûte aux plus modestes et au climat, leurs superprofits ne seront jamais menacés.
En ce jour du dépassement, un seul bilan s'impose : votre Europe n'est pas armée pour faire face et vous ne faites rien pour qu'elle le soit. Tandis que la planète brûle, la France et l'Europe restent spectatrices, en pompières pyromanes, alors qu'elles devraient être à la manœuvre. Les générations futures ne vous félicitent pas.