Nous saluons également le fait que, dans un moment si tragique de l'histoire, le statut de candidat ait été accordé à l'Ukraine et à la Moldavie. Bien sûr, ces éventuels élargissements doivent avoir lieu de manière mûrement réfléchie ; nous ne saurions précipiter un processus d'adhésion qui, s'il n'est pas concerté, risque de pénaliser à la fois l'Union, ses membres actuels et les nouveaux entrants. Reste que la nature a horreur du vide : si nous n'arrimons pas nos voisins de l'est à notre espace de droit, la Russie et la Chine en profiteront.
Grâce à ses actions, la France a démontré que le triptyque relance, puissance, appartenance n'était ni un slogan ni une vaine promesse : il est un véritable projet politique. Toutefois, madame la secrétaire d'État, je souhaiterais appeler votre attention sur deux points majeurs de l'axe de l'autonomie stratégique : la question de la sécurité et de la défense et celle de l'énergie.
S'agissant de sécurité et de défense, l'invasion de l'Ukraine par la Russie nous a rappelé à quel point nous devions rester unis pour défendre les valeurs démocratiques dans un monde de plus en plus fragile, fractionné, polarisé. Il nous faut approfondir la défense européenne : les querelles qui avaient empêché, il y a soixante-dix ans, l'émergence de la Communauté européenne de défense (CED) n'ont plus lieu d'être. Une réelle volonté politique devient indispensable. La crise en Ukraine a fait office de déclencheur et de catalyseur pour la défense européenne ; une stratégie commune s'est fait jour, avec une accélération du projet de force d'intervention et la priorisation de sujets de recherche liés aux infrastructures de défense. Néanmoins, la fragmentation de nos systèmes d'armement – il en existe 176 – constitue toujours un défi dont nous devons être conscients.
Afin d'accroître l'autonomie stratégique et les capacités de l'Union, le Conseil européen des 24 et 25 mars – exactement un mois après le début de la crise ukrainienne – a adopté la Boussole stratégique européenne, qui vise à inverser la tendance. Reposant sur quatre piliers – agir, investir, collaborer et sécuriser –, elle fixe pour les dix prochaines années les ambitions de l'Union européenne en matière de sécurité et de défense, et établit la liste des projets à mener pour y satisfaire. Cependant, la mobilisation de moyens humains et de forces opérationnelles ne peut constituer la seule réponse européenne à la crise. Les 30 et 31 mai, le Conseil européen a ainsi demandé que soient cartographiées et analysées les capacités de production des États membres, notamment dans le domaine de la défense. Prendre un tournant industriel, c'est, à terme, réduire de manière significative nos achats d'armes fabriquées hors de l'Union. Reste l'ambivalence de certains membres touchant les questions stratégiques ; reste le choix de reconstituer les stocks, les capacités opérationnelles avec des équipements américains, immédiatement disponibles et interopérables. Madame la secrétaire d'État, il est impératif que nous soutenions la base industrielle et technologique de défense (BITD) française et européenne ; à cet égard, la récente proposition de la Commission européenne d'achats capacitaires communs auprès d'entreprises européennes va dans le bon sens.
S'agissant de la question de l'énergie, l'agenda de la présidence française a été fortement influencé par la nécessité d'une politique qui concilie autonomie, indépendance, et respect de l'environnement. Cette question est plus que jamais d'actualité, car elle touche à la fois au pouvoir d'achat et à l'urgence climatique. Le 27 juin, les États membres sont convenus d'un objectif contraignant : que le mix énergétique européen comprenne 40 % d'énergies renouvelables en 2030. C'est là un grand pas non seulement pour l'environnement, mais aussi pour réduire notre dépendance aux hydrocarbures russes.
Dans de telles circonstances, l'Union européenne révèle la réactivité dont elle est capable : nous l'avons constaté il y a deux jours, avec la signature d'un accord visant à réduire de 15 % l'utilisation de gaz dans les huit mois. Cette mesure incitative, qui deviendra obligatoire en cas de pénuries, découle d'un large consensus : seule la Hongrie s'y est opposée. Toutefois, comme pour les questions de sécurité et de défense, son application requiert l'adhésion des opinions publiques ; or l'Union européenne comprend vingt-sept démocraties, soit vingt-sept opinions publiques différentes. En vue d'atteindre les objectifs fixés, l'existence de convictions et de valeurs partagées est donc indispensable.
Dans cette perspective, je voudrais insister sur l'importance de la dimension parlementaire de la présidence française. Contrairement à ce qu'ont soutenu certains orateurs précédents,…