Permettez-moi d'intervenir sur l'ensemble des amendements relatifs à l'alinéa 33 et à la condition militaire. Depuis le début de l'examen du projet de loi, nous avons abondamment évoqué les trésors stratégiques de notre pays que sont la dissuasion, la base industrielle et technologique de défense (BITD) souveraine, ou encore la capacité du Président de la République, conférée par la Constitution, d'engager très rapidement la force. Peu de grandes démocraties dans le monde possèdent une telle capacité.
À ce stade du débat, il convient de rappeler que le caractère opérationnel des armées repose avant tout sur les hommes et les femmes qui les servent. Cette dimension humaine est capitale. Elle repose sur deux piliers. Je ne m'attarderai pas sur le premier, tant il est évident : il s'agit de l'engagement de nos soldats. Le deuxième pilier – que nous avons le devoir de valoriser – réside dans le corpus juridique qui fait la singularité militaire. Nous encourons un risque de banalisation de l'état militaire, soit du fait de fausses bonnes idées issues de la société, soit parce les règles françaises, qui diffèrent de celles d'autres pays, et parfois de l'Union européenne, sont mal comprises – en témoigne la directive européenne de 2013 sur le temps de travail. La singularité militaire est une exception française ; il n'est pas excessif d'en parler tous les sept ans à l'occasion des lois de programmation militaire.
Si nous comptons des militaires dans l'ensemble des ministères – des gendarmes au ministère de l'intérieur et des outre-mer, par exemple –, tous sont placés sous la tutelle du ministre des armées, garant de leur singularité. Ainsi, c'est le ministre des armées qui a récemment ouvert l'activité opérationnelle aux personnes atteintes du VIH.
La singularité de la condition militaire repose sur un équilibre subtil entre des devoirs exorbitants du droit commun d'une part, et d'autre part des droits et des éléments de reconnaissance. Parmi les éléments qui dérogent au droit commun figurent la disponibilité des militaires vingt-quatre heures sur vingt-quatre – ils ne sont pas des travailleurs, mais doivent être constamment disponibles –, la restriction des droits syndicaux et électoraux – que la dernière LPM a toutefois quelque peu ouverts – et l'engagement jusqu'au sacrifice suprême. Le décès d'un militaire n'est pas considéré comme un accident du travail, mais comme un événement intrinsèquement lié à son statut.
En tant que décideurs publics – parlementaires et membres du Gouvernement –, nous devons veiller à cet équilibre. Cela impose d'organiser des concertations au sein du ministère des armées, depuis les régiments jusqu'au CSFM, en passant par le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), qui conseille le Président de la République. Parmi les éléments qui participent de cet équilibre, nous avons déjà évoqué les lycées militaires, ou encore le plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires. J'y ajouterai les pensions militaires de retraite, qui répondent à l'impératif de jeunesse des armées. La reconnaissance de la nation et la prise en charge des blessés participent aussi pleinement d'un juste équilibre. Ces rappels me semblaient indispensables, et c'est dans cet esprit que je vous propose d'aborder les amendements que nous nous apprêtons à examiner. Nous devons être les gardiens de la singularité militaire sur laquelle repose la défense nationale.