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Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du jeudi 25 mai 2023 à 9h00
Programmation militaire 2024-2030 — Article 2 et rapport annexé

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Nous rentrons dans le cœur de plusieurs débats, qui se connectent entre eux. Premièrement, vous avez raison de rappeler les enjeux en matière de droit international et ce qui serait souhaitable pour l'humanité. Deuxièmement, la réalité des pratiques actuelles nous impose une réaction, une réflexion. Troisièmement, on parle de souveraineté ; beaucoup d'amendements sont présentés sur le sujet. Or, si nous ne développons pas nous-mêmes des capacités, d'autres le feront. Nous pouvons toujours parler des catapultes du porte-avions Charles de Gaulle nuitamment, comme nous l'avons fait hier, mais ne pas développer nos capacités d'action et notre savoir-faire dans l'espace nous conduirait à une situation encore plus sensible !

Le présent projet de loi de programmation militaire (LPM) prévoit de développer le programme Yoda – yeux en orbite pour un démonstrateur agile –, puis le programme Egide, qui doit lui succéder. Qu'on se le dise clairement : si nous ne le faisons pas, cela signifie que nous renonçons à être souverains en ce domaine. Soit la France ne s'en dotera jamais, soit nous serons contraints un jour d'« acheter sur étagère », soit nous aurons pris dix ans de retard, comme pour les drones.

Nous pouvons connecter ce débat à d'autres que j'ai eus précédemment avec vos collègues Saintoul et Lachaud : on ne peut pas, d'un côté, dire qu'il faudrait réfléchir à une dissuasion qui serait non nucléaire – je pense aux amendements sur la mise en place d'un commissariat ou à ceux qui préconisent d'autres types de dissuasion – et, de l'autre, ne pas développer le démonstrateur qui nous permettrait de réfléchir à d'autres capacités d'action dans l'espace. Cette affaire-là, ce n'est pas « On s'en va-t-en guerre dans l'espace ! » : si nous veillons un tant soit peu à la cohérence de tout ce qui s'est dit depuis le début des travaux en commission et en séance, il est évident que cette LPM doit, selon moi, aboutir au développement de nos capacités d'action dans l'espace.

Dernier point, et nous aurons bouclé la boucle : vous avez vous-même rappelé, avec beaucoup d'honnêteté et de rigueur intellectuelle, la manière dont, mine de rien, la France a encadré sa dissuasion nucléaire. Se doter d'une capacité ne veut pas dire qu'il ne faut pas se doter aussi d'une doctrine française d'action dans l'espace, d'une forme d'éthique – je fais toujours attention aux mots, parce qu'il s'agit tout de même potentiellement de guerre.

En tout cas, il ne faut pas exclure, sur le spatial, une réflexion analogue à celle qui a accompagné jadis le développement de la dissuasion nucléaire. Ajoutons qu'il existe à l'évidence des liens entre le spatial et cette dissuasion.

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