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Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du mercredi 27 juillet 2022 à 15h00
Extension de dispositions statutaires à la fonction publique des communes de polynésie française — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner le projet de loi ratifiant l'ordonnance de 2021, qui apporte plusieurs modifications au statut de la fonction publique des communes de la Polynésie française, de leurs groupements et de leurs établissements publics. Il existe en Polynésie française trois fonctions publiques : la fonction publique de l'État, comme sur l'ensemble du territoire de la République, la fonction publique de la Polynésie française en tant que telle, aussi appelée fonction publique du Pays, et la fonction publique communale, qui fait l'objet de l'ordonnance.

La fonction publique communale est la plus récente des trois fonctions publiques de la Polynésie française : son statut a été défini par l'ordonnance du 4 janvier 2005. Elle était auparavant gérée par des contrats de droit privé. L'ordonnance de 2005 est entrée en vigueur en 2012 et a connu plusieurs modifications, dont la plus récente est l'ordonnance du 8 décembre 2021, qu'il vous est aujourd'hui proposé de ratifier.

Permettez-moi de rappeler en quelques mots le cadre juridique dans lequel s'inscrivent l'ordonnance et le projet de loi de ratification.

En tant que collectivité d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution, la Polynésie française est régie par le principe de spécialité. L'article 74-1 de la Constitution permet au Gouvernement d'étendre et d'adapter par ordonnances les dispositions de nature législative en vigueur dans l'Hexagone. À la différence des ordonnances prévues à l'article 38, celles prévues à l'article 74-1 doivent impérativement être ratifiées par le Parlement dans les dix-huit mois suivant leur publication, sous peine de devenir caduques.

C'est sur ce fondement qu'a été prise l'ordonnance du 8 décembre 2021, très attendue par les agents publics comme par les collectivités. Elle vise en effet, d'une part, à répondre aux attentes manifestées en mai 2017 lors d'un important mouvement social qui a touché l'ensemble des communes de la Polynésie française et, d'autre part, à étendre au droit de la fonction publique des communes de Polynésie française, en les adaptant, certaines des évolutions décidées pour la fonction publique territoriale au cours des dernières années – je pense à la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, et à la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

L'ordonnance a fait l'objet d'une importante concertation entre les acteurs. L'État a ainsi signé, en juin 2017, un protocole d'accord associant le syndicat des communes, les syndicats d'agents communaux, le centre de gestion ainsi que le Conseil supérieur de la fonction publique de la Polynésie française. Un projet d'ordonnance a été élaboré, sur lequel l'Assemblée de la Polynésie française a par la suite rendu un avis.

L'ordonnance que nous nous apprêtons à ratifier constitue donc l'aboutissement d'un long processus qui a commencé il y a près de cinq ans. Ses apports sont importants, à la hauteur des enjeux. Elle comprend quarante-cinq articles qui modifient environ la moitié des articles du statut de 2005, et a trois finalités principales.

Tout d'abord, elle renforce les droits et les garanties des agents publics et précise les règles applicables en matière de déontologie. L'ordonnance étend ainsi la liste des motifs ne pouvant donner lieu à discrimination – identité de genre, situation de famille, état de grossesse – et renforce l'accès des agents à la protection fonctionnelle. Elle modernise les règles applicables en matière de déontologie et renforce le régime de temps partiel et de congés. Enfin, elle généralise l'appréciation de la valeur professionnelle des agents par le recours à un entretien professionnel. Deuxièmement, l'ordonnance modernise les instances de dialogue social : elle recentre les compétences des commissions administratives paritaires sur les décisions individuelles défavorables aux agents et crée une commission consultative paritaire unique pour les agents contractuels. Troisièmement, elle facilite l'accès à la fonction publique des communes.

Le présent texte comportait, au moment de son dépôt, comme tous les projets de loi de ratification, un article unique ratifiant l'ordonnance. Je salue le travail du Sénat qui s'est prononcé en faveur de la ratification tout en saisissant cette occasion pour tenter d'apporter des améliorations au statut des fonctionnaires des communes. Le Sénat a ainsi introduit vingt articles additionnels portant sur l'ensemble de l'ordonnance.

La commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République a conservé plusieurs de ces dispositions. C'est le cas, à l'article 17, de l'alignement du régime de mise à disposition des fonctionnaires des communes de Polynésie française sur le droit de la fonction publique territoriale. Cet article complète et précise les dispositions de l'ordonnance de 2005 en la matière. C'est le cas aussi, à l'article 14, de la suppression de la possibilité pour les fonctionnaires de la Polynésie française – dits de pays – d'être intégrés directement dans la fonction publique des communes. C'est le cas, enfin, aux articles 19 et 20, des règles relatives au régime indemnitaire. Nous suivrons aussi nos collègues du Sénat dans leur souhait, aux articles 7, 8 et 9, de préserver les modalités territoriales concernant le contrôle des règles déontologiques par la commission de déontologie – qui existe déjà en Polynésie et qui donne satisfaction. Je salue enfin la volonté du Sénat de créer, à l'article 22, un cadre adapté au développement du télétravail.

D'autres dispositions, en revanche, ne me paraissent pas entièrement abouties ou semblent de nature à rendre moins lisible le système existant. Elles ont été supprimées en commission.

L'article 2, qui prévoyait l'ouverture de l'accès à la fonction publique par la voie des examens professionnels, en dehors de la promotion interne, a ainsi été supprimé. Cette mesure allait en effet beaucoup trop loin. Elle aurait permis l'accès à la fonction publique des communes de la Polynésie française par la voie des examens professionnels, alors que l'examen professionnel constitue habituellement un moyen de promotion interne.

Le texte adopté par la commission recentre par ailleurs les compétences des commissions administratives paritaires (CAP) sur les décisions défavorables aux agents, comme le prévoyait l'ordonnance de 2021. J'ai souhaité ce rétablissement non seulement pour la cohérence qu'il apporte par rapport à la réforme de 2019 mais aussi parce que je crois en l'articulation entre les CAP, centrées sur l'examen des situations individuelles, et le développement des compétences des comités techniques paritaires (CTP) qui portent un regard sur l'ensemble des politiques des ressources humaines des collectivités. Enfin, le projet de loi rétablit la mise à la retraite d'office parmi les sanctions possibles du quatrième groupe.

Restent plusieurs points à régler qui orienteront les quelques amendements que je vais défendre.

J'ai entendu les craintes exprimées au niveau local en ce qui concerne le principe de laïcité. Le principe est pleinement accepté par tous ; seulement, le contrôle de son application peut s'avérer difficile pour les chefs de service. Je soutiendrai donc un amendement précisant que ces derniers agissent sous l'autorité du maire.

Un autre amendement nous permettra d'aborder, monsieur le ministre délégué, la question de la fidélisation et de la rotation des effectifs dans les communes. Celles-ci consentent à financer des formations pour des montants importants mais ont parfois du mal à fidéliser leurs agents. Or l'existence d'une importante rotation des effectifs affecte la continuité du service public dans nos territoires et coûte cher à nos collectivités. Mme Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française, a appelé mon attention sur cette question et je l'en remercie.

Je souhaite enfin, monsieur le ministre délégué, vous interroger sur la portée du droit d'option, ouvert par l'article 42 de l'ordonnance de 2021. Pouvez-vous nous confirmer que ce droit d'option sera bien ouvert à tous les agents qui auraient pu en bénéficier et qui n'en avaient pas fait usage, qu'ils aient explicitement refusé la proposition qui leur était faite de rejoindre la fonction publique des communes de Polynésie, ou que leur refus n'ait été qu'implicite ? Votre réponse est attendue par de nombreux Polynésiens.

Pour conclure, je rappellerai que mes travaux sur ce texte ont été guidés par le souci de rechercher les solutions les plus appropriées et les plus adaptées à la situation locale, sans dogmatisme. Nous avons voulu préserver ce qui résulte d'un dialogue riche, positif et consensuel entre tous les acteurs du territoire. Vous l'aurez constaté, cela peut signifier aligner les règles applicables à la Polynésie sur le droit commun de la fonction publique ou maintenir des adaptations et des règles dérogatoires lorsque cela semble pertinent. Tel est le sens du principe de spécialité et de l'adaptation en ce qui concerne les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution. Nous pouvons convenir que ce principe s'impose pour un territoire s'étendant sur l'équivalent de la superficie de l'Union européenne et dont les quarante-huit communes sont établies sur plus de soixante-dix îles habitées.

Je souhaite, pour finir, remercier l'ensemble des acteurs polynésiens avec qui j'ai pu m'entretenir au cours de mes travaux, pour leur disponibilité et les avis précieux qu'ils nous ont apportés sur ce texte, ainsi que nos trois collègues députés de Polynésie française pour nos échanges constructifs. Nous continuerons, lors de la commission mixte paritaire (CMP), à travailler avec nos collègues sénateurs, en particulier polynésiens. J'ai déjà cité Mme Tetuani et je salue son collègue, mon ami Teva Rohfrischt.

Mes chers collègues, la commission a voté ce texte à l'unanimité des groupes. Je ne doute donc pas que nous parviendrons à adopter un statut protecteur, au service d'une fonction publique modernisée et, surtout, au service de tous les Polynésiens.

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