Les plateformes numériques, en tout cas celles qui en ont les moyens, feront tourner leurs algorithmes. Par là même, elles renforceront la censure d'une façon anticipée, en se prévalant a posteriori de leur bonne foi, afin d'éviter qu'on leur reproche d'avoir laissé fuiter des contenus à caractère terroriste.
Par ailleurs, rappelons qu'un délai d'une heure leur est donné pour supprimer tous les contenus potentiellement visés. C'est tout à fait irréaliste : eu égard aux millions de pages diffusées par minute, un délai aussi court ne permet à aucune organisation humaine de réagir. Les plateformes qui ne pourront se permettre d'affecter des moyens humains à cette veille technique vingt-quatre heures sur vingt-quatre devront utiliser des outils algorithmiques de tri des contenus proposés par de grandes entreprises comme Google ou Twitter, qui, elles, ont les moyens de les mettre à leur disposition. Dans ce contexte, elles devront ainsi se placer sous la coupe des GAFAM ou bien disparaître, ce qui pourra être le cas des plus petits éditeurs.
Nous avons déjà pu évaluer les effets délétères des mesures d'exception prises ces dernières années, compte tenu des dérives répressives qu'elles portent en germe. Il faut veiller à un équilibre entre le respect de la liberté d'expression, pilier de notre démocratie, et la mise sous protection des citoyens. Cet équilibre est totalement rompu dans ce texte. Nous y voyons ni plus ni moins qu'un fort renforcement de la censure, qui pourra s'exercer de manière arbitraire et sans contre-pouvoir. Cest la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a déjà jugé que ce dispositif, prévu dans la tristement célèbre et liberticide loi dite Avia, portait atteinte de manière disproportionnée à la liberté d'expression. Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à la proposition de loi.