Je vous remercie d'avoir rappelé les explications initiales que j'avais fournies sur cette expression, car mes propos ont pu être caricaturés par la suite. Au cours des vingt dernières années, notre industrie de défense n'avait jamais été confrontée à un client en guerre. Et vous avez mille fois raison de rappeler ce qu'on ne dira jamais assez : nous ne sommes pas en guerre.
Nous sommes le principal client de notre BITD ; il n'en demeure pas moins que la BITD française peut avoir des clients en guerre. Avant la guerre en Ukraine, l'analyse stratégique faisait valoir que ni la lutte contre le terrorisme ni les différentes missions dans lesquelles les armées étaient engagées ne demandaient une mobilisation spéciale de nos industriels, car la gestion des stocks était adaptée à ces demandes et la visibilité était suffisante.
La guerre en Ukraine a réveillé un débat dans lequel le côté droit de l'hémicycle a dit craindre que l'aide à l'Ukraine ne déshabille l'armée française et même jugé dangereux d'aider ce pays – bien des choses ont été dites en ce sens. Je ne reviens pas sur la doctrine d'aide à l'Ukraine ; rappelons simplement que la BITD a la capacité de compléter ses stocks, voire de les augmenter. C'était d'ailleurs l'objet de l'amendement de Benjamin Haddad et d'autres parlementaires de la majorité sur le fonds de soutien qui permet de connecter l'État ukrainien à notre BITD. Nous avons donc vu émerger la différence entre le mode de paix – nous formons tous le vœu qu'il revienne – et l'installation d'une forme d'intensité chez un des clients alliés – c'est le cas de l'Ukraine aujourd'hui – qui demande des capacités de production plus rapides, demande traduite par l'injonction d'aider plus et plus vite.
Il existe donc bien une économie de guerre pour faire face à une guerre qui est déjà là, car la vocation de la BITD n'est pas uniquement intérieure, ce qui garantit un certain équilibre. Elle est universelle et elle se traduit aujourd'hui par la nécessité de produire plus vite. Nous discutons ici de la forme, mais nous discuterons plus tard du fond de cette question, qui concerne notamment les mécanismes européens d'achat. Les délais de production et de livraison peuvent nous mettre en position désavantageuse par rapport à nos concurrents.
L'expression « économie de guerre » ne doit donc pas être dissociée du contexte dans lequel elle a émergé : malheureusement, la guerre est sous nos yeux. Cela étant dit, je vois arriver d'autres amendements sur ce sujet et j'espère que ce n'est pas le fait que cette expression ait été employée par le Président de la République qui suscite vos réactions ; je n'ose l'imaginer.