Ces deux écueils sont, peut-être, la cause d'un troisième, plus grave. Il y a en effet un problème de taille sur lequel le Parlement a trop peu discuté : le glissement progressif vers une société dans laquelle des acteurs privés se voient déléguer le pouvoir de sanction des abus de la liberté d'expression. Dans le même mouvement, on constate une délégation de l'évaluation du caractère abusif de la liberté d'expression. Je pense ici à l'article 5 du règlement TCO, qui oblige les hébergeurs à prendre des mesures spécifiques pour retirer promptement les contenus qu'ils jugeraient « à caractère terroriste ». Promptement signifie qu'ils peuvent recourir, si besoin, à des algorithmes.
Une dynamique de privatisation et d'automatisation de la censure est à l'œuvre ; il est de notre devoir de la contenir. Le Conseil constitutionnel aurait certainement quelque chose à dire sur le sujet. Pour le savoir, nous le saisirons sur ce point.
Dans notre culture juridique, en effet, la garantie des droits implique que la coercition, la restriction et la censure restent une prérogative de la puissance publique.
Il ne s'agit pas de prétendre que les hébergeurs n'auraient pas à contribuer à la sauvegarde de l'ordre public, mais de dire qu'ils doivent le faire à leur juste et stricte mesure, et qu'ils ne sauraient se substituer à la puissance publique.
Le législateur européen ne s'y est pas trompé : il a clairement identifié le risque. Seulement, il n'a pas prévu les moyens concrets de le juguler. C'est donc à nous de le faire. Le droit européen ne nous l'interdit pas ; à l'inverse, il invite chaque État membre à instaurer ses procédures propres.
Notre rôle est aussi d'introduire du droit là où il se fait attendre. Des assemblages sont à inventer, comme le préconisent plusieurs chercheurs en sciences de l'information et de la communication, qu'il eût été bon d'auditionner.
Vous l'avez compris, le groupe Écologiste – NUPES ne pourra pas voter en faveur de ce texte.