Grâce à l'accord trouvé par la commission mixte paritaire, ce texte permettra d'élargir encore notre arsenal juridique pour lutter contre la diffusion des contenus à caractère terroriste sur internet. Les attaques dont notre pays a été victime l'ont montré : que les terroristes aient agi au sein de réseaux structurés ou en loups solitaires, la consommation de propagande terroriste en ligne a joué un rôle clef dans leur radicalisation comme dans leur passage à l'acte.
Depuis 2017, sous la conduite du Président de la République et des gouvernements successifs, le bras armé de l'État contre le terrorisme n'a cessé d'être renforcé. Que ce soit sur la question des moyens humains, des ressources financières ou sur le plan juridique, l'action des services de renseignement, des forces de sécurité et des magistrats a été soutenue et facilitée de manière inédite.
La détection, parce qu'elle est fondamentale, a fait l'objet de mesures renforcées, qu'il s'agisse du numéro vert dédié au recueil de signalements – il faut rappeler l'importance de ces signalements, car chacun doit se sentir acteur de la lutte anti-terroriste –, de l'augmentation des moyens de la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements, PHAROS, ou encore de la pérennisation de techniques de renseignement innovantes.
Dans cette lutte de tous les instants, particulièrement difficile, un constat s'est vite imposé : la menace terroriste dépasse les seules frontières de notre pays et concerne tous nos partenaires européens, durement touchés eux aussi ces dernières années. Ce sont les valeurs que nous avons en partage qui sont visées. En outre, internet est un média global : pour lutter efficacement contre la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne, il est impossible de se cantonner au cadre national. C'est donc bien à l'échelle européenne qu'il fallait penser et construire un cadre puissant et unifié de lutte contre ces contenus.
C'est chose faite depuis l'adoption par l'Union européenne, en avril 2021, avec le soutien de la France, d'un règlement en la matière, entré en vigueur le 7 juin dernier. Ce règlement vise à permettre le retrait des contenus terroristes en ligne en une heure maximum : si les plateformes ne retirent pas leur contenu terroriste dans ce délai, elles risquent des sanctions financières pouvant représenter jusqu'à 4 % de leur chiffre d'affaires.
La présente proposition de loi adapte notre législation pour permettre la bonne mise en œuvre du règlement TCO dans notre pays. En effet, pour assurer le bon fonctionnement de ce dispositif, des autorités indépendantes, chargées d'assurer et de contrôler la légalité du retrait des contenus, doivent être désignées par chaque État membre.
À l'issue de son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, la proposition de loi avait été enrichie sur différents aspects. Tout d'abord, la désignation d'un suppléant, dans les mêmes conditions que la personnalité qualifiée titulaire, a été prévue afin de garantir une réponse rapide en cas de forte sollicitation. Ainsi, compte tenu des prérogatives désormais dévolues à l'ARCOM en matière de régulation graduée et effective des contenus, elle est désormais autorisée à mettre en demeure les hébergeurs dès le premier manquement à leurs obligations administratives et non dans le seul cas de manquements systématiques ou persistants. En outre, le régime des sanctions a été assoupli pour éviter une double incrimination en cas de non-respect des obligations relatives aux injonctions de retrait transfrontalières. Par ailleurs, faculté a été offerte à l'ARCOM de recueillir les informations nécessaires à l'exercice de sa mission de suivi des obligations administratives découlant du règlement européen.
Le Sénat, quant à lui, a tenu à s'assurer que les injonctions de retrait prévues à l'article 3 du règlement européen soient systématiquement transmises à la personnalité qualifiée de l'ARCOM, afin qu'elle puisse suivre l'ensemble des demandes relatives aux contenus terroristes, sans être limitée aux demandes de retrait mentionnées à l'article 6-1 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique et aux injonctions de retrait transfrontalières.
Le Sénat a également souhaité « aligner les peines encourues en cas de non-respect par un fournisseur de services d'hébergement de l'obligation d'informer les autorités compétentes d'un contenu à caractère terroriste présentant une menace imminente pour la vie dont il aurait connaissance sur celles prévues en cas de non-respect de l'injonction de retrait en une heure. » En contrepartie, une aggravation des peines a été prévue lorsque la « méconnaissance de l'obligation » est « commise de manière habituelle ».
Enfin, au cours de sa première lecture en séance publique, le Sénat a supprimé le mécanisme de double mise en demeure ; il a en outre souhaité rendre applicables les dispositions de ce règlement en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
L'accord trouvé en CMP a donc permis de valider la procédure juridictionnelle ouverte aux fournisseurs de services d'hébergement et aux fournisseurs de contenus pour contester les décisions prises par PHAROS, par la personnalité qualifiée de l'ARCOM ou par l'ARCOM dans le cadre du règlement européen. Une procédure d'appel devant la cour administrative d'appel a ainsi été prévue, laissant au requérant dix jours pour la saisir ; elle statuera dans un délai d'un mois.
Vous le voyez, la présente proposition de loi s'est enrichie et précisée au fil de la navette parlementaire : sa rédaction issue des travaux de la CMP intègre à la fois les apports de l'Assemblée nationale et ceux du Sénat, tout en conservant l'esprit initial de ce texte que vous avez soutenu. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable au texte issu de la CMP et vous encourage à l'adopter définitivement.