Sous l'impulsion de la France et du Président de la République, l'Union européenne apparaît aujourd'hui en pointe sur la scène internationale dans la régulation des contenus numériques, certaines normes, comme celles du règlement général sur la protection des données (RGPD), s'imposant au-delà des frontières de notre continent. La souveraineté européenne repose aussi sur notre capacité à exporter nos normes et nos règles, mais ce combat en est encore à ses prémices.
Il a fallu dix-sept longues minutes pour interrompre la diffusion en direct de la tuerie de Christchurch et deux jours pour supprimer les 1,5 million de vidéos de l'horreur qui circulaient sur les réseaux sociaux. Samuel Paty, quant à lui, avait été la cible durant plusieurs semaines d'une violente campagne de menaces, avant son assassinat par un terroriste islamiste. Le temps perdu avant d'agir représente autant de minutes et d'heures gagnées pour la propagande, le recrutement et la haine, autant de temps de détresse perdu pour les proches et les familles des victimes. C'est à ce défi que nous voulons répondre aujourd'hui.
Quelles sont les mesures instaurées par le règlement TCO ? Tout d'abord, il impose aux hébergeurs proposant leurs services dans l'Union européenne le retrait dans l'heure des contenus à caractère terroriste.
Ensuite, il donne la possibilité aux autorités nationales d'émettre des injonctions de retrait exécutoires dans un autre État membre et instaure une procédure de recours pour les hébergeurs et les éditeurs.
Enfin, il prévoit que les hébergeurs classés « exposés » par l'autorité qui les supervise prennent des mesures spécifiques pour protéger préventivement leurs services de la diffusion de contenus à caractère terroriste.
La proposition de loi insère, en outre, quatre nouveaux articles dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique.
Le premier habilite une autorité administrative à émettre des injonctions de retrait ou de blocage des contenus à caractère terroriste. Il s'agira, en France, de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC). Cet article désigne également l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) comme l'autorité compétente pour mener l'examen approfondi des injonctions de retrait émises par les autorités administratives d'autres États membres. L'ARCOM est également habilitée à garantir l'application des mesures spécifiques prises à l'encontre des hébergeurs considérés comme particulièrement exposés.
Le deuxième article prévoit de nouvelles sanctions pénales à l'encontre des hébergeurs qui ne respecteraient pas les obligations de retrait.
Le troisième article permet à l'ARCOM de mettre en demeure un hébergeur de se conformer aux obligations prévues par le règlement européen. En cas de non-conformité, une sanction pécuniaire pourra être prononcée à l'encontre de l'hébergeur.
Enfin, le dernier article instaure des voies de recours à la disposition des hébergeurs et des fournisseurs de contenus.
Après son examen par l'Assemblée nationale, où il avait été enrichi par la commission des lois, le texte a été modifié par le Sénat à l'initiative du rapporteur André Reichardt, à qui je souhaite un prompt rétablissement, tout comme d'ailleurs à Didier Paris, qui devait initialement être le rapporteur du texte pour notre assemblée.
En séance publique, le texte a aussi été modifié par deux amendements gouvernementaux, dont l'un permet à l'ARCOM de saisir le juge administratif pour les injonctions émises en France qui ne seraient pas conformes. À la demande de l'ARCOM, un suppléant sera par ailleurs nommé pour traiter ces demandes et faire face éventuellement à une importante charge de travail.
À l'issue de l'examen du texte par la commission mixte paritaire, en présence de la sénatrice et rapporteure Nathalie Goulet, les divergences étaient minimes. La seule difficulté qui persistait concernait les modalités et les délais d'appel des décisions de blocage ou de retrait. L'appel est désormais prévu auprès des cours administratives d'appel, qui auront un mois maximum pour rendre leur décision.
Le texte qui vous est proposé instaure donc dans notre droit un dispositif à la fois efficace et proportionné, dans le respect des libertés individuelles et du droit européen. Parce qu'il permet un contrôle rapide et efficace des contenus à caractère terroriste, il constitue une avancée importante. Nous pouvons l'intégrer aujourd'hui à notre droit pour mieux défendre nos compatriotes et nos partenaires européens.
Cette proposition de loi ouvrira, espérons-le, la voie à d'autres renforcements du droit dans les prochaines années. Nous devons en effet amplifier notre effort pour protéger le monde virtuel des contenus et des comportements illégaux du monde réel. Je pense notamment aux travaux entamés à l'Assemblée, dès 2019, avec la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet, dont Laetitia Avia était à l'initiative.