Dans l'une de nos langues, le reo Tahiti, « militaire » se dit fa' ehau qui signifie « faire la paix ». On voit donc les militaires comme des hommes de paix, des pacificateurs, et non comme des hommes de guerre. Tel est, me semble-t-il, le sens de l'histoire : depuis la fin de la seconde guerre mondiale, chaque État-nation s'arme pour se protéger, préserver sa souveraineté et celle de ses alliés.
Pour autant, le choix opéré dans cette LPM d'investir massivement pour le renouvellement de la force de dissuasion nucléaire met en question cet objectif de paix. Ce choix heurte toutes les victimes des essais nucléaires français, tandis que l'État reconnaît, même s'il ne le fait encore que difficilement, les conséquences humaines et environnementales des 210 essais nucléaires menés en Algérie et en Polynésie. Qu'en est-il d'une réelle indemnisation des victimes et de leurs familles ? Qu'en est-il de la dette de l'État français à l'égard de la protection sociale généralisée polynésienne ? Qu'en est-il de l'institut du cancer promis lors de la visite du Président de la République Emmanuel Macron en Polynésie qui devait être financé conjointement par la Polynésie et l'État ?
L'un des orateurs a parlé de « la grandeur de la France qui s'est érigée grâce à la dissuasion nucléaire ». Pour nous, cette grandeur s'est érigée dans le mensonge et dans le déni des milliers de Polynésiens victimes de maladies radio-induites. Je vous donne un exemple : l'île la plus proche de Moruroa où ont été tirés la plupart des 193 essais nucléaires effectués en Polynésie est située à 300 kilomètres de celle-ci – c'est la distance qui sépare Paris de Clermont-Ferrand ou de Limoges. Auriez-vous accepté de tirer 193 essais nucléaires à Limoges pour la grandeur de la France ? Je ne pense pas.