Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du lundi 22 mai 2023 à 16h00
Programmation militaire 2024-2030 — Motion de rejet préalable

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Vous affirmez qu'il faut à la fois rejeter le texte et ouvrir un débat. Vous avez été candidat à l'élection présidentielle, monsieur le député. Vous savez donc qu'en 1962, dans un contexte d'avènement de la dissuasion nucléaire, le général de Gaulle a modifié la Constitution – c'est le fameux « coup d'État permanent » –, et que le passage à l'élection du président de la République au suffrage universel direct était intimement lié à la capacité de celui-ci à engager la force de frappe. Le débat a donc lieu à chaque élection présidentielle – cela n'a d'ailleurs pas profité à certains, dont les alliances étaient troubles.

Puisque je suis ici devant la représentation nationale, je me dois de rappeler que les députés communistes ont examiné les lois de programme en 1960, en 1964 et jusqu'à aujourd'hui. N'empêchez pas le débat de se tenir en votant une motion de rejet ! Les trente-cinq heures de discussion et les 700 amendements examinés en commission, auxquels s'ajoutent plus de 1 500 amendements déposés en séance et deux semaines de débat dans l'hémicycle, avant que le texte ne soit transmis au Sénat et qu'il ne fasse l'objet d'une commission mixte paritaire, sont autant d'occasions d'avoir la discussion que vous appelez de vos vœux. Rejeter d'emblée le texte équivaudrait à rejeter l'ensemble des amendements qui ont été déposés, y compris par votre groupe, dont certains complètent utilement le texte, et d'autres défendent à tout le moins des convictions.

J'en viens au porte-avions – ce débat a déjà eu lieu, notamment avec les députés écologistes, et il se poursuivra – : il ne s'agit pas seulement d'un instrument de puissance, mais aussi d'un instrument de sécurité. Ne donnons pas l'impression que le groupe aéronaval a pour seul objet de défendre des intérêts maritimes lointains et détachés de la sécurité de la nation française. Dès lors que nous avons des territoires d'outre-mer, nous devons par définition nous doter d'une marine complète, dont le groupe aéronaval fait partie. Un pays qui importe beaucoup d'hydrocarbures, comme c'est malheureusement notre cas, et qui exporte beaucoup de matières premières agricoles a besoin d'assurer sa liberté de circulation maritime en mer Méditerranée, dans le canal de Suez ou encore dans le détroit d'Ormuz. En la matière, vous êtes une fois de plus contradictoires : devrions-nous nous en remettre intégralement au groupe aéronaval américain constitué autour de l'USS George H.W. Bush, présent en Méditerranée, et ce faisant, abandonner nos propres outils d'intervention ?

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