Les transitions écologiques, sociales et énergétiques en cours sont déterminantes pour notre société. Ma conviction, confortée par des années d'engagement total et résolu au service de l'intérêt général, est que ces transitions ne pourront se faire sans l'adhésion de nos concitoyens ; leur participation aux décisions est donc un préalable indispensable, comme l'est ensuite le retour, soit par le maître d'ouvrage, soit par ceux qui ont proposé le débat, sur ce qui est retenu et ce qui ne l'est pas.
Le Président de la République avait d'abord proposé ma nomination à la présidence de l'ART. Parce que cette nomination, si elle avait recueilli l'aval des commissions compétentes du Parlement, m'aurait obligé à me déporter d'un nombre trop important de dossiers en raison d'incompatibilités dues à mon parcours professionnel, j'ai préféré, en conscience, me retirer.
Je suis honoré d'être face à vous, proposé à votre choix. Diplômé de l'École nationale des travaux publics de l'État, je me suis attaché, au long de ma carrière, à écouter tous les publics avec la même attention et à participer aux auditions des commissions parlementaires. Ce fut le cas lors de l'élaboration du plan de déplacements urbains d'Île-de-France, pour le projet de canal Seine-Nord Europe lorsque je dirigeai VNF, pour le débat commun relatif à la plaine de La Bassée et à l'aménagement de la liaison fluviale entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine, un des premiers débats sur les usages de l'eau. Ce fut le cas au sein des cabinets ministériels lors du Grenelle de l'environnement et des Assises de la mobilité qui ont abouti à la loi d'orientation des mobilités (LOM), de grands moments de concertation et de construction collective. Ce fut le cas pour de nombreux projets d'infrastructures – ferroviaires, routiers, fluviaux – et de fret, y compris pendant la pandémie. Je peux encore mentionner l'élaboration d'une ambition nationale pour le vélo, et le déploiement de solutions de transport, avec les associations et les territoires, par le biais de France Mobilités. Au long de ce parcours, j'ai vu progresser le besoin de démocratie participative en complément de la traditionnelle démocratie représentative et de la légitimité technique. Ingénieur, je peux ajouter que la meilleure des solutions techniques n'a que peu de poids si elle n'est pas partagée.
Il me faudra donc, si vous retenez ma candidature, garantir la participation à la construction des politiques publiques, particulièrement celles qui ont un impact sur l'environnement. Je serai attaché à défendre l'indépendance de la CNDP. Pour ce qui est de ma propre indépendance, celles et ceux qui me connaissent savent avec quelle rigueur j'ai exercé mes fonctions au service de l'intérêt général ; à mon âge, je ne sais pas qui ou quoi pourrait menacer mon impartialité. De plus, le bureau permanent de la CNDP est composé du président, du vice-président et de vingt-deux commissaires – personnalités qualifiées, magistrats, personnalités élues ou représentant des associations et des syndicats – eux-mêmes désignés par dix-neuf organismes ; ils sauront garantir cette indépendance, si nécessaire.
Ma candidature à la présidence de la CNDP s'inscrit dans la continuité de l'action de ses présidents successifs récents M. Philippe Deslandes, M. Christian Leyrit et particulièrement Mme Chantal Jouanno, auxquels je rends hommage. La Commission, créée par la loi du 5 février 1995 dite « loi Barnier », autorité administrative indépendante depuis 2002, est garante du droit à l'information et à la participation du public à l'élaboration des projets, plans et programmes ayant une incidence sur l'environnement. Tenue à une obligation de neutralité absolue, elle ne se prononce ni sur l'opportunité du projet, ni sur le bien-fondé des arguments.
Ses missions sont exercées par 300 garants de la concertation nommés et indemnisés par mission. Ayant à ce jour mené 106 débats publics et 427 concertations et procédures de participation par voie électronique, la CNDP est l'institution européenne dont l'expérience de la participation est la plus forte. Au cours des cinq dernières années, elle a traité plus de saisines que lors des vingt années précédentes et son rôle va croissant, puisque les deux tiers des projets sont modifiés au terme de ce processus participatif. Cette croissance a été assumée avec deux équivalents temps plein (ETP) supplémentaires seulement, l'effectif étant de quinze personnes fin 2023. La Commission nationale a un budget de fonctionnement d'un million d'euros environ pour quatre millions de dépenses prévisionnelles, dont la moitié est assurée par des fonds de concours des maîtres d'ouvrage.
J'en viens aux actions que j'envisage de mener si vous vous prononcez en faveur de ma candidature. Je souhaite en premier lieu mieux présenter le travail déjà réalisé par la CNDP mais aussi ce que sera sa contribution future à la démocratie représentative. La Commission nationale a expérimenté presque toutes les méthodes participatives et a eu à connaître de sujets éminemment conflictuels. La très forte augmentation de ses missions de conseil et d'expertise montre qu'elle est reconnue comme une ressource.
Dans la même ligne, il faut mieux faire connaître les saisines possibles, dans le cadre législatif et réglementaire actuel ou en fonction des évolutions possibles. J'entends aussi renforcer le lien avec la représentation nationale et dans les territoires, par l'installation complète des délégués de région, en accompagnant les collectivités territoriales concernées quand les projets se poursuivent et en instaurant un bilan régulier de notre travail devant vous. Plusieurs rapports publics devront être analysés au sein de la CNDP pour déterminer les transformations réglementaires ou législatives qu'ils pourraient induire, en tenant compte des expériences étrangères, notamment celles de l'Italie et du Québec. C'est dans ce cadre qu'il faudra choisir l'orientation stratégique de la CNDP : être définitivement l'instance de la seule démocratie environnementale ou devenir l'instance de la participation. J'en débattrai avec mes collègues.
Je poursuivrai la professionnalisation du vivier des garants en assurant son renouvellement et sa mixité. Je veux aussi confirmer le rôle d'une autorité garante du droit à l'information et à la participation en diversifiant les moyens et les partenariats permettant de toucher les publics éloignés des dispositifs participatifs actuels. Á cette fin, des expérimentations nouvelles doivent voir le jour, en s'appuyant sur les territoires ; ainsi, les maisons France services peuvent permettre l'accès de tous aux consultations électroniques. Il nous faudra aussi trouver des moyens dynamiques de vérifier les énonciations formulées en cours de débat pour éviter que des contributions non vérifiées et probablement fausses sur le plan scientifique ne biaisent la discussion.
Il me semble également indispensable d'utiliser les compétences de la CNDP en matière de participation citoyenne pour des sujets nouveaux : l'agriculture, la santé, l'eau ou l'alimentation par exemple. La CNDP vient de signer un partenariat avec le Conseil national de l'alimentation ; la démarche pourrait être étendue en vue de collaborations renforcées avec le Comité national de l'eau, le Conseil national de l'air, le Conseil supérieur de l'énergie et le Comité national de la biodiversité.
Il conviendra encore d'aider les maîtres d'ouvrage et leurs bureaux d'études à partager une culture plus sociotechnique, de manière que l'accès à tous les documents, et donc la participation continue, soit possible pour tous les citoyens.
Á court terme, je souhaiterais que lors de l'élaboration de la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), les commissions compétentes du Parlement entendent les garants de la concertation sur le mix énergétique et de la commission particulière du débat public sur le projet Penly. Il nous faudra encore compléter les travaux préparatoires aux débats complexes à venir sur les documents stratégiques de façade comme sur la mine de lithium. Nous devrons aussi, au regard des multiples sujets en jeu – santé publique, biodiversité, agriculture, énergie, transports… – et de la multitude d'acteurs impliqués à tous les niveaux de la gouvernance territoriale, entreprendre un travail méthodologique global sur l'eau. On peut enfin imaginer une saisine éventuelle sur la biodiversité, qui n'est pas dans le champ des plans et programmes, et un travail sur le projet de loi relatif à l'industrie verte.
Je me suis toujours engagé pleinement dans l'exercice de mes fonctions, et l'expérience conforte chaque jour la liberté et la capacité d'initiative dont j'ai fait preuve dans le cadre fixé par les lois et les règlements, comme plusieurs commissaires l'ont remarqué dans mes travaux précédents.