Une température de plus de 30 degrés, un vent soufflant à 30 kilomètres par heure et un taux d'humidité dans l'air inférieur à 30 % : c'est la règle des trois 30 qui régit le risque d'incendie en forêt. Or, avec le changement climatique, ces conditions seront réunies plus souvent. Le risque va donc s'intensifier et s'étendre géographiquement et dans le temps. Chacun se rappelle les feux ravageurs de l'année 2022, avec 66 000 hectares calcinés et 291 feux au total. Nous voyons déjà ce qui se profile en ce printemps sans eau : alors que le mois de mai commence tout juste, 207 incendies ont déjà été enregistrés en 2023.
Cette proposition de loi a le mérite de définir une stratégie nationale de défense des forêts contre les incendies, de créer une carte d'aléas pour cartographier le risque et de renforcer une culture commune et partagée de la sécurité civile. Toutefois, elle s'inscrit dans la droite ligne de l'histoire de la sécurité civile à la française : j'entends par là qu'on attend de vivre un drame, comme les incendies monstres de l'été dernier, pour renforcer les moyens ou changer de braquet. En outre, ce texte ne propose aucun changement de modèle, aucune remise à plat des moyens, que ce soit pour le réarmement de l'ONF ou la reconnaissance due aux sapeurs-pompiers volontaires – des dispositions qui ont été balayées par le 49.3. Le rôle vital des pompiers devrait être reconnu et pleinement valorisé et soutenu, au moment où l'humanité fait face à une crise sans précédent. Nous proposerons des amendements en ce sens, comme nous l'avons fait lors de l'examen du budget.
Par ailleurs, on privilégie toujours, en France, l'intérêt productif des forêts, au détriment de leur durabilité. Pourtant, la sylviculture intensive, les plantations en monoculture et les coupes rases mettent en danger les puits de carbone et de biodiversité que sont nos forêts. Tout plan de gestion de la forêt devrait reposer sur des plantations diversifiées, une sylviculture irrégulière et l'interdiction, hors risque sanitaire, des coupes rases. Il est urgent que la nation reconnaisse l'engagement des volontaires de la sécurité civile, il est urgent de remettre de l'humain dans la politique forestière et la gestion des risques, il est urgent de changer le modèle de gestion de nos forêts : ce sont autant d'impérieuses nécessités, si nous voulons éviter les urgences de demain.
Nous accueillons positivement ce texte et nous espérons, compte tenu des risques qui se profilent, qu'il bousculera un peu les traditions et qu'en 2023, le vote de la loi à la française sera enfin celui de l'anticipation.