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Intervention de Anthony Brosse

Réunion du mardi 9 mai 2023 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnthony Brosse, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, chers collègues, au cours de l'été 2022, la France a connu des incendies d'une particulière gravité, qualifiés de « hors norme », et dans des zones qui n'en connaissaient que rarement, par exemple le Finistère, le Jura ou la Haute-Saône. Par ailleurs, la saison des incendies s'est élargie : concentrée auparavant sur les mois de juillet et août, elle va désormais de mai à octobre. Cette année, les incendies ont même commencé dès les mois de janvier et février dans les Pyrénées-Orientales et dans ma propre circonscription, le Loiret, où cinq hectares ont été détruits dans la forêt d'Orléans.

Il est clair que le dérèglement climatique, qui altère la pluviométrie, entraîne une sécheresse estivale de longue durée, aridifie les sols et assèche la végétation, est responsable de cette situation, qui risque malheureusement de perdurer. Actuellement, quarante-sept départements sont placés en alerte du fait de leurs faibles ressources en eau.

Plusieurs rapports se sont penchés sur les incendies de forêt. Je songe d'abord à celui du Sénat, qui a servi de base à la proposition de loi que nous examinons. Citons également, à l'automne 2022, le remarquable rapport de l'Assemblée des départements de France, rédigé par MM. Jean-Luc Gleyze et André Accary, qui président respectivement les départements de la Gironde et de la Saône-et-Loire. Il est significatif que l'un vienne d'un territoire souvent frappé par des feux et l'autre d'un territoire nouvellement frappé. Je veux encore citer le rapport d'information de Mmes Catherine Couturier et Sophie Panonacle sur l'adaptation au changement climatique de la politique forestière et la restauration des milieux forestiers, qui nous rappelle que le dérèglement climatique joue un rôle notable dans l'extension géographique des incendies. Si l'on ajoute à cela les rapports des corps d'inspection et les retours d'expérience des élus locaux, nous disposons d'une information complète sur les origines et les conséquences de ces incendies. Je précise que le problème est mondial : la Californie, l'Australie, la Grèce, l'Espagne et le Portugal y sont également confrontés, à une échelle d'ailleurs plus importante que la France.

Il n'est guère nécessaire de nous étendre sur les conséquences de ces incendies pour notre société. Les forêts jouent un rôle multifonctionnel : stockage de CO2, refuge de biodiversité, garantie de l'humidité des sols, fourniture d'une matière première renouvelable, lieu d'activités récréatives comme la randonnée, affouage, cueillettes diverses… Leur disparition détruit tout un équilibre écologique et économique.

Le Sénat a donc pris l'initiative de rédiger un texte pour renforcer notre dispositif de prévention et de lutte contre les incendies de forêt.

Une remarque s'impose d'emblée : la France dispose déjà, et de longue date, d'un système de lutte contre ces feux, et il est efficace. Près de 95 % des feux sont éteints dans les dix minutes qui suivent leur apparition. Malheureusement, quand ils ne sont pas pris à temps, certains feux peuvent devenir spectaculaires, comme ceux qui ont touché la Gironde, le Gard ou les Pyrénées-Atlantiques ces dernières années, et marquer durablement nos concitoyens. Les trois grands feux de Gironde de l'été dernier ont causé des dégâts pour des décennies, mais il faut rappeler que des centaines d'autres ont été éteints à la même période par le service départemental d'incendie et de secours (Sdis). Je tenais à rappeler ce point pour rendre hommage à tous les acteurs qui concourent à la défense de nos forêts car, professionnels ou bénévoles, ils font tous preuve d'efficacité et d'engagement, parfois au péril de leur vie.

Le texte du Sénat n'est pas révolutionnaire, ni vraiment novateur, mais il contient des mesures d'ordre technique pour améliorer le dispositif existant. L'objectif central, qui répond à une inquiétude réelle, est de tenir compte du dérèglement climatique. Jusqu'à présent, en cas de grands feux, on comptait sur la solidarité interdépartementale. Mais si des feux ont lieu simultanément sur notre territoire, toute notre organisation est remise en cause. La grande chance de l'été 2022 – si j'ose dire – a été que les incendies du Sud-Est, du Sud-Ouest et du Nord se sont déroulés successivement, et non parallèlement, mais il faut nous préparer au risque de devoir faire face à des incendies simultanés.

J'en arrive aux titres dont nous sommes saisis.

Le titre Ier prévoit l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention et de lutte contre les incendies dont l'objet est de mettre autour de la table toutes les parties prenantes. J'émettrai un avis favorable sur les amendements qui, de mon point de vue, améliorent l'efficacité du dispositif, par exemple les amendements identiques de Mme Brulebois, des groupes LR, Socialistes et LIOT, qui visent à associer les départements à la procédure de création des délégations à la protection de la forêt, prévue à l'article 6. En revanche, je serai défavorable à certains amendements qui, même s'ils posent des questions importantes relatives à la politique forestière, ne me semblent pas avoir un lien direct avec la lutte contre les feux. Ces questions pourront être abordées dans la proposition de loi que nous envisageons de rédiger, dans le prolongement du rapport Couturier-Panonacle.

Le titre IV introduit une mesure attendue et particulièrement nécessaire pour donner un cadre opérationnel efficace au déploiement des moyens de prévention et de lutte contre les incendies : je fais référence à l'article 21, qui prévoit la déclinaison des plans de protection des forêts contre les incendies (PPFCI) à l'échelle des massifs forestiers. Le massif est en effet le maillage territorial pertinent pour mener de nombreuses actions de terrain en défense des forêts contre les incendies. Je vous proposerai de requalifier plus rigoureusement ces plans, en « plans de protection des massifs contre les incendies ».

L'article 24 introduit également des innovations qui sont bienvenues. Je pense en particulier à la cartographie des voies de desserte forestière et des pistes de défense de la forêt contre les incendies (DFCI). Je vous proposerai un amendement qui ramène l'échelle d'élaboration de cette carte aux départements, qui ont les compétences « métiers » pour le faire, mais qui le font encore de façon disparate, d'après l'audition de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN). Je serai également favorable à la proposition du groupe Écologiste de rendre ces cartes accessibles sur un portail national commun – en y ajoutant une condition de délai. Toujours sur le titre IV, je vous proposerai un amendement qui clarifie la portée du nouveau droit de préemption octroyé aux communes à l'article 22.

Enfin, le titre VI contient des mesures visant à mieux sensibiliser les populations au risque d'incendie dans nos forêts. C'est un volet essentiel du texte : je rappelle en effet que 90 % des feux en forêt sont d'origine humaine. Les jets de mégots, en particulier, sont une cause fréquente de départ de feux, qui pourrait largement être évitée si la population était simplement mieux informée des risques.

À ce titre, l'article 30 bis mobilise la filière REP (responsabilité élargie des producteurs) « Mégots » pour financer des actions de communication, et l'article 31 instaure une interdiction de fumer jusqu'à 200 mètres des bois et forêts les plus exposés au risque d'incendie. Je souhaiterais étendre cette interdiction à l'ensemble des bois et forêts du territoire national pour améliorer la lisibilité de cette mesure et sa portée pédagogique pour nos concitoyens.

Je souhaite que notre travail en commission enrichisse cette proposition de loi, sans l'alourdir.

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