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Intervention de Patrik Bergareche

Réunion du jeudi 4 mai 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Patrik Bergareche, vice-président senior pour l'Europe du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande de la plateforme Just Eat Takeaway :

Just Eat Takeaway.com est l'une des plus grandes plateformes de livraison en ligne dans le monde et s'est affirmée comme un leader européen. Elle résulte d'une fusion entre les entreprises anglaise et hollandaise Just Eat et Takeaway.com en 2020. Nous sommes désormais un opérateur très large, présent dans vingt pays, en Europe, au Canada, en Australie et aux États-Unis. Nous sommes cotés à la bourse de Londres et à celle d'Amsterdam, ce qui nous sensibilise d'autant plus au respect de la loi et à notre impact social.

Depuis le début de nos opérations logistiques, Just Eat Takeaway.com a opté pour un modèle de salariat, en Europe et dans la plupart de nos marchés, d'abord parce qu'il s'agit du seul modèle qui nous permettait d'opérer dans le respect de la loi et de la législation dans de nombreux pays.

En France, nous opérons depuis 1998 à travers l'entreprise française AlloResto, que nous avons achetée en 2012 et renommée Just Eat. Lors du lancement de notre modèle logistique en France, nous avons embauché plusieurs centaines de livreurs en CDI en 2020. Il nous a malheureusement fallu entamer ensuite un plan social économique (ou « plan de sauvegarde de l'emploi », PSE), en raison de la situation économique de notre entreprise causée par la concurrence d'acteurs qui s'appuient sur un modèle différent du nôtre.

Nous avons choisi de salarier nos livreurs en Europe. Au Royaume-Uni, en Australie, au Canada et aux États-Unis, en revanche, nos livreurs sont autoentrepreneurs car la législation le permet. En Europe, le statut de salarié est le seul qui nous permet de respecter la loi et d'éviter des procédures judiciaires coûteuses ; par ailleurs, nous sommes convaincus que le développement de notre activité doit s'appuyer sur le contrôle de nos livreurs, que seul le statut de salarié permet.

Nous pensons en outre que le modèle de salariat peut être vertueux, pas seulement pour les coursiers – qui ont accès à une protection sociale et à de meilleures conditions de sécurité – mais aussi pour nos consommateurs, dont le taux de satisfaction nous paraît important.

Cependant, même si nous sommes convaincus que ce modèle peut parfaitement fonctionner en Europe, nous ne pouvons être les seuls à le choisir. Nous avons donc besoin du législateur pour garantir des règles juridiques claires sur les contrats liant les plateformes et les travailleurs. En France, la situation des livreurs salariés est devenue insoutenable pour nos activités compte tenu des choix différents de nos concurrents, ce qui nous a conduits à licencier 350 livreurs. Nous avons également émis cette demande auprès de l'Union européenne.

L'Espagne s'est engagée dans une procédure législative à travers la « loi Riders  », encouragée par Just Eat Takeaway.com, car elle se fondait sur trois éléments importants. Tout d'abord, l'Espagne pouvait s'appuyer sur une jurisprudence : deux décisions de la Cour suprême avaient déterminé que les relations entre les plateformes et les livreurs étaient bien une relation de salariat. Le législateur a donc intégré cette jurisprudence au code du travail espagnol. Deuxièmement, la ministre du Travail et le gouvernement espagnol ont entamé un dialogue social avec les syndicats et les associations d'entreprises et d'autoentrepreneurs, qui a permis un très large consensus sur cette loi finalement approuvée par le parlement espagnol. Enfin, il me semble indispensable qu'un secteur tel que le nôtre – qui a démontré son importance au cours de la pandémie – évolue dans une dynamique de sécurité juridique, où les entreprises peuvent développer leur activité de manière parfaitement légale. Nous comptons plus de 2 000 livreurs salariés en Espagne. Cette loi nous permet de développer notre activité en satisfaisant aux attentes légales dans un contexte économiquement viable.

Toutefois, nous restons inquiets : en effet, un opérateur en Espagne continue à utiliser, de manière illégale, un modèle d'autoentrepreneurs – malgré une amende de plus de 200 millions d'euros. Ceci pose un problème de distorsion de concurrence.

Enfin, nous soutenons fortement la directive européenne. Cette législation a l'ambition d'apporter une sécurité juridique aux travailleurs et aux opérateurs des plateformes. L'entreprise que je représente est très engagée pour essayer de construire un terrain de jeu équitable pour tous les acteurs – ce que permettra la directive européenne. Just Eat Takeaway.com encourage les législateurs des pays européens à s'engager en faveur de cette directive importante pour le futur de notre activité.

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