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Intervention de François Fillon

Réunion du mardi 2 mai 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

François Fillon, ancien Premier ministre :

L'idée d'un espace économique commun avec la Russie est bien antérieure à 2012, le président Sarkozy l'ayant mise sur la table en 2008, lorsqu'il présidait l'Union européenne. Honnêtement, je ne me souviens pas du rapport de M. Thomas mais, en 2012, il était déjà un peu tard pour réaliser cette opération.

Au fond, il y avait deux philosophies. Selon la première, plus on aiderait la Russie à se développer, plus il y aurait d'aspiration à une vie politique et sociale libre et apaisée. Selon la deuxième, rien ne serait jamais possible avec la Russie et l'on aurait la guerre froide jusqu'à la fin des temps. Nous, nous considérions qu'une voie était possible. Je pense sincèrement qu'il y a un Poutine d'avant et un Poutine d'après : le président Poutine a d'abord été obnubilé par le développement économique de son pays – cela correspond à la période que j'ai évoquée tout à l'heure. Puis, ses résultats économiques n'étant sans doute pas excellents et surtout le temps passant, son caractère et son comportement ont évolué.

Car le temps est une donnée très importante dans les régimes autoritaires. Ainsi, dans le système assez intelligent inventé par le parti communiste chinois, le président du pays savait que le nombre de ses mandats était limité à deux et qu'ensuite, il aurait une fin de vie confortable dans une jolie maison au bord de la mer. Le président Xi Jinping a mis fin à ce système : c'est une assez grave erreur parce que le problème du dirigeant autoritaire, c'est que plus le temps passe, plus sa sortie du pouvoir devient hypothétique et dangereuse.

Concernant votre deuxième question, je considère que dans un monde ouvert, tant qu'on respecte les règles, il n'y a aucune raison d'empêcher des responsables d'exercer des fonctions privées au motif qu'ils ont eu par le passé une activité publique, à condition naturellement que cela ne soit pas dans des entreprises qui, d'une manière ou d'une autre, constituent une menace pour l'indépendance nationale. Personne ne m'a posé de questions sur l'affaire des bateaux que nous avions décidé de vendre à la Russie. Pour ma part, j'ai toujours défendu, en tant que Premier ministre, une politique consistant à ne pas vendre des systèmes d'armes sophistiqués à des pays dangereux. Le Mistral n'était pas un système d'armes sophistiqué. En revanche, je me suis opposé à la vente de sous-marins à certains pays parce que je considère que moins il y a de sous-marins sous les océans, mieux la sécurité de mon pays est assurée.

Soit on est en paix, soit on ne l'est pas. On ne peut pas faire des découpages, en essayant de ménager nos intérêts, entre ce qui peut être imposé et ce qui ne peut pas l'être. Personne ne m'a interrogé sur les sanctions mais vous savez que j'y suis totalement hostile, pour trois raisons. La première raison, c'est que cela n'a jamais marché : il n'y a pas un seul exemple dans le monde d'un pays important qui a baissé la tête parce qu'on lui a imposé des sanctions économiques.

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