Je ne sais pas où l'on en est aujourd'hui. Contrairement à une idée reçue, dans le secteur privé, du moins dans le secteur financier, les contraintes sont très élevées. Les contrôles des services de compliance des entreprises sont d'une rigueur extrême. Ils peuvent même virer à l'absurde, par exemple quand ils conduisent à empêcher des établissements financiers d'exercer leurs activités de financement. J'ai le souvenir d'avoir vu un service de compliance refuser un investissement dans une entreprise qui fabriquait des pièces pour les sous-marins nucléaires au motif qu'il n'était pas bien d'investir dans la défense – cela a changé depuis la guerre en Ukraine… Je m'éloigne un peu du sujet des conflits d'intérêts mais c'est pour appeler votre attention sur cette question.
Peut-être est-ce une question de génération, mais j'ai la nostalgie d'une époque où il y avait des arbitres capables de peser le pour et le contre et de prendre leurs responsabilités, au lieu de systèmes automatisés et un peu stupides pesant sur les responsables publics. Par exemple, y a-t-il encore des préfets ? Dans les débuts de ma vie politique, les préfets prenaient des décisions : quand deux services administratifs n'étaient pas d'accord, le préfet était l'arbitre capable de trancher. C'est complètement terminé, car l'arbitre ne veut plus s'exposer à des risques personnels en prenant une décision qui serait un peu « limite » du point de vue juridique. C'est tout le problème soulevé par la HATVP : comment faire pour assurer une grande rigueur dans l'examen des conflits d'intérêts, tout en faisant en sorte que cela ne devienne pas stupide et bureaucratique ?
Par ailleurs, les hommes politiques sont devenus des cibles, pour des raisons tenant tant à la compétition politique qu'au climat social général. Leur patrimoine et leurs activités sont jetés en pâture de façon parfois malsaine.