D'abord, j'ai évoqué l'ingérence américaine sous le prisme du principe d'extraterritorialité. Je ne la place pas sur le même plan que l'ingérence de pays autoritaires. Je voulais juste dire qu'il s'agit d'un sujet majeur pour l'économie française et pour l'économie européenne. Au fond, si vous êtes le patron d'une grande entreprise européenne, vous avez deux souverainetés à respecter : la souveraineté nationale et européenne d'une part, et la souveraineté américaine, qui s'impose à vous en tout état de cause. Un livre magnifique a été écrit à ce sujet par un ancien cadre d'Alstom, qui a fait quelques mois de prison aux États-Unis dans des conditions qui, du point de vue juridique, sont parfaitement scandaleuses. Bien entendu, la différence avec la Russie est que les entreprises américaines ne sont pas liées à ce travail d'ingérence : ce sont des entreprises privées dont la plupart n'ont pas de liens avec le gouvernement américain.
Ensuite, l'entreprise au conseil d'administration de laquelle j'ai siégé pendant cinq ou six ans proposait une forme d'intelligence artificielle peu stratégique, même si elle est assez utile. Il s'agissait d'introduire de l'intelligence artificielle dans la relation téléphonique que vous avez avec vos fournisseurs de services – votre banque ou votre opérateur téléphonique par exemple : au lieu de vous proposer « tapez un, tapez deux, tapez trois », l'intelligence artificielle faire remonter toutes les informations vous concernant. Dans notre pays, cela n'est pas très stratégique car nos règles de protection de la vie privée sont très strictes. Aux États-Unis, c'est gigantesque : on peut par exemple connaître le niveau de revenus moyen de l'immeuble dans lequel vous habitez… Sur cette base, le système d'intelligence artificielle essaie de prédire les questions que vous allez poser et surtout d'imaginer les produits que vous pourriez acheter. Encore plus sophistiqué, l'intelligence artificielle choisit l'opérateur le plus pertinent pour vous répondre.