J'imagine que vous aurez à cœur de poser cette question à beaucoup de très hauts responsables, donc certains que vous connaissez bien.
C'est évidemment mon expérience d'ancien Premier ministre et d'ancien ministre qui est souhaitée lorsque je siège dans un conseil d'administration, que ce soit en Russie ou dans une société d'investissement en France.
Il serait quand même utile qu'on reconnaisse qu'avoir été pendant cinq ans chef du gouvernement vous donne une certaine expérience – et pas seulement un carnet d'adresses, comme je le lis si souvent. Quand on a exercé des responsabilités politiques, dans la gestion de grandes collectivités locales puis au gouvernement, on a un savoir-faire, une capacité à gérer des situations difficiles qui sont naturellement recherchés par des entreprises.
Je rappelle que j'ai quitté la vie publique. Je suis une personne privée et je mène ma carrière professionnelle comme je l'entends. Si j'ai envie de vendre des rillettes sur la place Rouge, je vendrai des rillettes sur la place Rouge. L'idée que je n'aurais plus le droit d'avoir quelque activité professionnelle que ce soit parce que j'ai été Premier ministre n'est selon moi pas acceptable. Ce n'est pas du tout ce que vous avez dit, mais c'est ce qu'un certain nombre d'observateurs pensent.
Mais vous êtes fondée à me demander s'il s'agit d'un cas d'ingérence étrangère. Je réponds non, pour trois raisons.
La première est que c'est moi qui suis allé en Russie pour développer mes activités professionnelles, avant que n'éclate la guerre. Ce ne sont pas les Russes qui sont venus me chercher.
Deuxième raison, les entreprises dans lesquelles j'ai accepté de siéger n'ont pas de relations stratégiques avec la France. Sibur lui vend un peu de matériaux qui servent à fabriquer des pneus, et Zaroubejneft rien du tout.
La troisième raison, mais là il faudra me croire sur parole, est que tout mon parcours montre que je ne suis pas sensible aux ingérences étrangères. Mes convictions sur la nécessité d'une relation réaliste entre la France et la Russie ne datent pas de l'époque où j'ai siégé dans des conseils d'administration : elles remontent à 1986, à l'époque où la Russie s'appelait l'URSS. Personne ne peut donc espérer me faire changer d'avis, d'une manière ou d'une autre. Je considère qu'il n'y a là aucune ingérence étrangère.