Il est certain que le Rassemblement national, au moment où nous parlons, n'a pas eu le pouvoir. Permettez-moi, en tant qu'adversaire politique et respectueusement, de m'en réjouir. On ne peut donc pas lui imputer des choix de gouvernements que je ne partage pas, vous le savez. Je l'ai dit, notamment en qui concerne Nord Stream 2, je pense qu'il y a eu un aveuglement collectif au niveau européen, dont Vladimir Poutine s'est tellement bien servi qu'il a attendu que le gazoduc soit terminé pour lancer l'invasion de l'Ukraine.
Le fait que des choix mal informés aient été faits par des gouvernements divers doit-il dédouaner ceux qui, ayant vu tout ce qui s'est passé, continuent à contester la nécessité d'envoyer davantage d'armes lourdes à l'Ukraine ? Est-ce rassurant au point où nous en sommes, c'est-à-dire une guerre d'invasion qui met à bas l'ordre international, qui veut remplacer la règle du droit par la loi du plus fort, des crimes de guerre, peut-être des crimes contre l'humanité, et un mandat d'arrêt délivré par la Cour pénale internationale ? La mesure de ce qui s'est produit a-t-elle vraiment été prise par certains ? Je n'en suis pas complètement convaincue et je suis inquiète.
Je constate également qu'on peut ici, à l'Assemblée nationale, présider une commission d'enquête et revendiquer sa couleur politique, ce qui n'est pas ce que je fais quand je préside ma sous-commission au Parlement européen, où je m'efforce de faire preuve d'impartialité ; mais chaque Parlement a sa culture.
Au Parlement européen, je m'inquiète de voir le Rassemblement national continuer à jouer au chat et à la souris. Là où il votait auparavant contre tout ce qui concernait l'Ukraine, il ne prend pas part au vote, ou plutôt il vote avec ses pieds. C'est son choix, mais c'est un drôle de choix, franchement, qui l'isole, y compris dans son groupe politique. Cela m'inquiète, cela m'interroge : des choses suffisamment graves se sont passées. Je sais que vous avez voté s'agissant de l'Holodomor, il y a quelques jours, comme l'écrasante majorité des députés de cette assemblée, et je vous en félicite – mais il s'agit de crimes de Staline et non de Vladimir Poutine.
Je garde un malaise, que je range très clairement dans le domaine des opinions politiques, où nous ne nous rejoignons pas, en raison des choix qui sont ceux de ce parti, parce que je n'entends personne dire autre chose à l'intérieur du Rassemblement national. Je constate que Thierry Mariani peut continuer à dire ce qu'il dit et à faire les voyages qu'il fait – quand il ne va pas en Russie, il se rend dans la Syrie de Bashar al-Assad. Ce sont quand même des choix extraordinairement particuliers. Je n'ai jamais vu un communiqué du Rassemblement national disant « lui, c'est lui, et nous, c'est nous » ou le mettant en demeure d'avoir moins de sympathie pour le régime russe. C'est cela que je constate et qui m'interroge, comme m'interrogent les choix de l'ancien sénateur Pozzo di Borgo et d'autres choix faits dans d'autres partis politiques au sujet d'un régime autoritaire qui exprime, dans ses discours, son aversion pour ce que nous sommes en tant que démocraties européennes.