Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Nathalie Loiseau, députée européenne, présidente de la sous-commission Sécurité et défense du Parlement européen :

Lorsque certains droits, voire un modèle de société, sont mis en cause – je veux parler de celui que nous avons choisi, dans lequel les femmes et les hommes sont à égalité et les minorités protégées – et que ce phénomène vient de pays étrangers, on tique forcément.

J'ai été interpellée pour la première fois à l'époque où je faisais partie du Gouvernement et que je voyageais beaucoup, notamment en Europe centrale et orientale. La convention d'Istanbul, consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes – sujet sur lequel on devrait être à peu près d'accord, ou alors il y a un très gros problème –, était alors en cours de ratification et des difficultés surgissaient dans plusieurs pays de l'Est. Il se trouve que j'ai vécu aux États-Unis pendant cinq ans et que j'y ai rencontré de nombreux étudiants sur les campus. Or, s'agissant de la convention d'Istanbul, je reconnaissais, dans la bouche de mes interlocuteurs, des termes qui me paraissaient moins spontanément croates ou bulgares que copiés-collés de ceux que j'avais entendus aux États-Unis. Cela m'a pris de court. Les experts, que j'ai interrogés m'ont alors confirmé que des organisations transnationales, notamment le World Congress of Families, promouvaient ce qu'ils appelaient les « valeurs familiales traditionnelles ».

Certes, c'est légal, mais ce n'est pas parce qu'une activité est légale qu'elle n'est pas préoccupante, dès lors qu'il s'agit d'une ingérence étrangère. C'est ce qui fait toute la difficulté de votre travail et de celui de la commission dans laquelle je siège : nous traitons d'activités légales, mais sur lesquelles il faut, à tout le moins, braquer le projecteur. Quand quelque chose est importé sans avoir été sollicité, il importe de le savoir. En l'occurrence, une partie des évangéliques américains – je me garderai de généraliser – mène un combat mondial, aide tous ceux qui défendent la même vision qu'eux et travaille à la diffuser. C'est ainsi que l'on retrouve assis côte à côte au World Congress of Families des gens qui normalement ne devraient pas entretenir de relations : des évangéliques américains, des Russes proches de la mouvance de Konstantin Malofeïev – qui promeut lui aussi la « famille traditionnelle » –, ou encore des membres d' Ordo Iuris, ONG polonaise très puissante et active à Bruxelles, qui dicte à certains députés européens ce qu'ils peuvent accepter ou pas dans des textes et trouve son origine au Brésil, chez les évangéliques. Cela fait une étrange ratatouille, mais tous ces gens sont d'accord sur quelques principes. Surtout, ils se mobilisent et dépensent de l'argent pour les importer chez nous.

Vous évoquiez les pratiques chrétiennes traditionnelles en France. Dans notre pays, la pratique religieuse est moins répandue qu'elle ne le fut. Cela signifie-t-il dire pour autant que le besoin de spiritualité est moins important ? Je n'en suis pas sûre. Certains rassemblements évangéliques ont du succès là où les églises traditionnelles sont un peu vides. Des communautés trouvent un accueil bienveillant. Certaines églises évangéliques sont très puissantes aux Antilles. Il en va de même parmi des communautés d'origine africaine, qui sont profondément chrétiennes mais ont trouvé dans ces églises une forme de pratique et d'accueil qui les ont séduits. Tant mieux pour ces gens. Toutefois, quand certains groupes religieux sont porteurs d'un programme purement politique, j'en viens à m'inquiéter.

À l'origine de la diffusion du covid en France, on trouve un rassemblement évangélique. Certes, les organisateurs n'en sont pas responsables, mais comme ils n'avaient pas relevé l'identité des participants, ces derniers ont pu repartir et répandre le virus dans tout le pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion