Intervention de Nathalie Loiseau

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 15h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Nathalie Loiseau, députée européenne, présidente de la sous-commission Sécurité et défense du Parlement européen :

Vous avez raison de relever que les thèmes touchant à la santé sont parfaits pour le conspirationnisme, en particulier quand il s'agit d'une pandémie causée par un virus inconnu. Au début, on ne sait rien : tout peut donc apparaître comme plausible. Quand, de surcroît, certaines autorités de l'État ont l'honnêteté de dire, comme le Premier ministre de l'époque l'a fait à plusieurs reprises, qu'elles ne savent pas, il se trouve des personnes pour considérer que ce n'est pas possible…

Comment éviter d'être « promené » par les uns ou par les autres ? Dans un régime autoritaire, avez-vous dit, il ne peut y avoir d'enquête indépendante. C'est effectivement ce que nous avons constaté a posteriori. Il est tout de même troublant de constater que, s'agissant d'une question de santé qui touchait aussi bien la Chine que le reste du monde, une telle enquête n'ait pas pu être conduite. L'autoritarisme a, d'une certaine manière, pris le pas sur la recherche de la vérité au bénéfice de l'intérêt général.

Ce que nous avons constaté, c'est la disparition d'informations sanitaires à Wuhan.

Ce que nous avons constaté, c'est l'interruption rapide de la publication par la Chine des chiffres de la mortalité liée au covid. Quant à ceux qui avaient été publiés, ils étaient extrêmement peu plausibles au regard à la fois de ce que subissaient les autres pays et des hypothèses élaborées par les scientifiques – et présentées comme telles avec modestie, car vous avez raison, le doute est nécessaire en science.

Ce que nous constatons également, c'est que l'OMS a eu beaucoup de difficultés à se rendre en Chine pour enquêter.

Ce que nous constatons encore, c'est la présence extrêmement forte de la Chine dans les organisations internationales. Cette situation est due aussi bien à une politique déterminée menée depuis plusieurs années qu'à la politique erratique menée par les Américains. Ceux-ci, en effet, se sont retirés de ces organisations et ont arrêté de les financer, laissant donc la place à d'autres – car la nature a horreur du vide. Un jour, on s'est réveillé et on s'est étonné du nombre de Chinois occupant des postes élevés dans les instances de l'ONU…

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? Les autorités chinoises n'ont pas aidé la communauté internationale à faire la lumière sur la manière dont le virus s'est propagé dans leur propre pays. Pour des raisons idéologiques, la Chine s'est opposée à ce que Taïwan vienne faire état au sein de l'OMS, même en tant que simple observateur, de son expérience de la pandémie et de la manière dont elle avait lutté contre le covid. C'était pourtant important car nous avons besoin de toutes les expériences et, dans le passé, Taïwan avait eu le statut d'observateur. La Chine a privilégié la posture idéologique à la recherche de la vérité scientifique, ce qui est évidemment préoccupant.

Il faut toujours s'interroger et éviter de sombrer dans un conspirationnisme béat. Il ne s'agit pas de se dire, à chaque fois qu'un événement se produit, que ce sont forcément les Russes. Vous avez constaté, lorsque vous avez auditionné l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qu'il n'est pas toujours facile, en cas de cyberattaque, de passer de la caractérisation à l'attribution, même si l'on finit par accumuler de l'expertise en la matière. Quoi qu'il en soit, avant de se faire une idée bien arrêtée, il faut toujours prendre soin de rassembler le plus d'éléments possible.

S'agissant de cyberattaques, le Parlement européen et l'Assemblée nationale ont en commun d'en avoir subi une immédiatement après avoir voté une résolution relative à l'Holodomor. J'appellerai cela une « cyberattaque publicitaire ». Les conséquences n'en sont pas très graves. C'est une manière de nous dire : « À chaque fois que vous aborderez un sujet en lien avec la Russie, nous pourrons nous en prendre à vous. » Soit. Si ce n'est que cela… C'est presque pathétique. On se demande s'il n'y a pas quelqu'un, dans un bureau en Russie, donnant l'instruction bureaucratique de lancer une cyberattaque en cas de résolution désagréable. C'est embêtant pendant quelques heures, mais on s'en sort. Le tout est de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une couverture pour des attaques plus profondes – on s'en tient à l'écran d'accueil qui n'affiche rien, pendant que d'autres choses se produisent ailleurs. Le Parlement européen vérifie à chaque fois que ce n'est pas le cas. Pour ce faire, il a développé ses compétences en cybersécurité. Il faut à chaque fois prendre le temps de travailler avec un panel d'experts aussi large que possible.

Le renseignement en sources ouvertes nous aide beaucoup. Cette méthode permet, notamment, de documenter l'origine d'une image en déterminant où elle a été prise et à quel moment. Vous vous souvenez peut-être que des internautes doués ont ainsi démontré que certaines déclarations de Vladimir Poutine diffusées pendant la guerre en Ukraine avaient en fait été enregistrées bien avant le déclenchement de cet événement, auquel elles étaient censées répondre. Cela permet de savoir que Poutine avait déjà la volonté d'envahir ce pays à un moment où le monde extérieur n'en avait pas conscience. Cela nous aide à comprendre des régimes fermés, qui font tout pour que nous ne sachions rien de leurs processus de décision. J'ai rencontré plusieurs de ces internautes pour savoir comment ils procédaient.

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