Je me réjouis que l'Assemblée nationale se penche sur ce sujet, si important, des ingérences étrangères. D'autres pays l'ont fait avant nous et, pour le nuage de Tchernobyl, il n'y a aucune raison de penser que ce qu'ils ont traversé n'a pas touché notre pays.
D'après le titre de votre commission d'enquête, vous avez choisi d'aborder cette question sous l'angle de la corruption des élites, et vous avez eu raison. C'est un sujet difficile à documenter, donc difficile à combattre, mais essentiel. Au Parlement européen, la commission INGE 2, dont je suis à la fois coordinatrice et corapporteure, met l'accent sur les manipulations de l'information, qui n'ont rien de nouveau mais ont pris, avec l'entrée dans l'ère numérique, une dimension sans précédent. Ce sont les démocraties qui sont les plus visées, non pas pour ce qu'elles font, mais pour ce qu'elles sont. Elles sont visées par des régimes autoritaires qui y voient une concurrence à leur propre mode de gouvernance. Généralement, les ingérences dont nous faisons l'objet visent moins à nous convaincre des qualités d'un pays étranger qu'à démontrer le caractère dysfonctionnel de nos propres pays. Elles visent à discréditer la démocratie pour ce qu'elle est et à nous faire croire que nous sommes irréconciliables, divisés et affaiblis.
Je me propose de vous donner quelques éclairages étrangers avant d'aborder la situation française. Je commencerai assez naturellement par le Brexit, qui est très proche de nous, à la fois géographiquement et dans le temps. En 2016, un référendum a fait quitter l'Union européenne au Royaume-Uni. On connaît le résultat et on a constaté la division qui s'est installée, au sein de l'opinion publique britannique, entre brexiters et partisans du maintien dans l'Union européenne. Ce que l'on sait, mais seulement partiellement, c'est la nature de l'ingérence étrangère russe dans cette campagne du Brexit. On le sait parce qu'une commission du renseignement a rendu un rapport à ce sujet ; mais on ne le sait que partiellement parce que ce rapport a été en partie masqué, à la demande du gouvernement britannique – ce qui est tout de même préoccupant. Le rapport conclut qu'« il existe des preuves substantielles que l'ingérence russe est une pratique courante dans la vie politique britannique ».
Ce qu'on a pu documenter, ce sont les liens de certains financeurs de la campagne du Leave, en particulier Arron Banks, avec la Russie. Ce que l'on a pu observer, c'est l'existence de très nombreux faux comptes sur les réseaux sociaux et de bots diffusant et amplifiant des contenus pro-Brexit, pilotés depuis la Russie ; ce sont aussi les déclarations de Nigel Farage, qui, lorsqu'il dirigeait le parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), a dit par exemple que Vladimir Poutine était « le leader qu'il admirait le plus ». On l'a beaucoup vu sur Russia Today et, aujourd'hui encore, quand il intervient sur les réseaux télévisés, c'est pour dénigrer l'Ukraine et dire du bien de la Russie.
J'en viens, un peu plus loin de nous dans l'espace mais pas dans le temps, à la campagne pour l'élection présidentielle américaine de 2016. Une enquête a eu lieu, confiée au procureur spécial Robert Mueller : celui-ci a conclu que « la Russie était intervenue de manière écrasante et systématique ». Robert Mueller a d'ailleurs inculpé treize ressortissants russes pour ingérence, dont Evgueni Prigojine – déjà ! L'un des directeurs de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, a plaidé coupable et a reconnu des contacts avec la Russie. L' Internet Research Agency (IRA), c'est-à-dire l'usine à trolls, d'Evgueni Prigojine, est à l'origine de faux messages de soutien à Trump, qui ont touché plus de 150 millions d'Américains. Plus de 4 000 faux comptes et plus de 50 000 bots ont été mobilisés, pour un coût estimé à 35 millions de dollars. Pour une fois, on a pu chiffrer le coût de l'ingérence.
On constate aussi la conjonction entre des hackers russes qui s'en sont pris à la campagne de Hillary Clinton à trois reprises et WikiLeaks, qui a diffusé le contenu de ce hacking mais en mêlant vrai contenu et faux documents. On pourra revenir, si vous le souhaitez, sur les objectifs que visait la Russie à travers ces deux cas d'ingérence dans des processus électoraux. Il faudrait aussi parler des Balkans et de l'Ukraine.
Au sein de l'Union européenne, le travail de la commission INGE 2 et celui que j'ai fait de mon côté et en tant que présidente de la sous-commission Sécurité et défense montrent une constante : une relation forte entre la Russie et les extrêmes droites européennes. C'est un choix qui a été fait par des proches de Vladimir Poutine, notamment Konstantin Malofeïev. Un document émanant de l'un de ses collaborateurs a fuité. Il est daté de 2021 et on peut y lire : « Sans notre engagement actif et notre soutien tangible aux partis conservateurs européens, leur popularité et leur influence en Europe vont continuer à baisser. Il faut restaurer les contacts avec les partis eurosceptiques de manière systématique pour contrer la politique de sanctions de Bruxelles. Mais la reprise de ce travail va demander un niveau de confidentialité très différent, en raison du renforcement de l'opposition à l'influence russe. »
En Italie, Matteo Salvini a déclaré : « Entre Poutine et Renzi, je choisis Poutine. » Aux Pays-Bas, dès 2014, Thierry Baudet, une figure connue de l'extrême droite néerlandaise, s'est fait connaître en faisant campagne contre l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine et en niant que le crash du vol MH17 ait pu être commis par les séparatistes pro-russes ou des Russes au Donbass ; il l'attribuait à des Ukrainiens et à la CIA. Mal lui en a pris, puisque la procédure judiciaire est terminée et que l'origine du crash ne fait plus de doute.
En Allemagne, on connaît la proximité entre la Russie et l'extrême droite allemande, notamment le parti Alternative für Deutschland (AfD), mais cela va beaucoup plus loin. On connaît les liens de Gerhard Schröder et d'autres hommes et femmes politiques, ainsi que d'entreprises allemandes, avec la Russie de Vladimir Poutine. Pour rester sur le terrain électoral, durant la campagne de 2021, Russia Today a renforcé significativement le nombre de ses journalistes en Allemagne et choisi de couvrir avec une intensité sans précédent tout ce qui relevait de la défiance vaccinale et de l'opposition à la politique de santé allemande.
De récentes révélations ont également montré des liens entre les indépendantistes catalans et la Russie, au moment de la consultation électorale – non autorisée.
Je m'en voudrais de ne pas parler de la Chine, dont on sait qu'elle exerce un contrôle sur sa diaspora au sein de l'Union européenne, notamment grâce à ses « postes de police ». On sait aussi l'importance qu'elle accorde à la coopération universitaire et scientifique, dans des conditions qui ne sont pas toujours transparentes et qui imposent le récit du régime chinois aux universitaires européens qui s'y frottent, notamment au travers des instituts Confucius. Par ailleurs, dans le cadre du programme « Mille talents », la Chine attire des scientifiques internationaux qui lui font bénéficier de connaissances technologiques occidentales, y compris sur des sujets très sensibles.
La Chine a basculé dans une attitude encore plus ingérente sous l'effet de deux événements : la pandémie du covid et la guerre en Ukraine. Désormais, elle reprend à la fois les recettes et les thèses de la Russie.
S'agissant des recettes, je pense par exemple à la manipulation d'information autour de l'origine du covid. On a vu des médias officiels chinois, des trolls chinois et même des diplomates chinois prétendre que le virus du covid avait été inventé dans un laboratoire militaire américain, Fort Detrick, le même laboratoire où les Russes, il y a plusieurs décennies, prétendaient que le sida avait été fabriqué. La Chine copie donc les recettes russes, sans forcément beaucoup les transformer… Elle fait aussi usage de cyberattaques. La Russie est de loin le pays qui en commet le plus, mais la Chine en fait désormais autant et il est parfois difficile de distinguer les cyberattaques russes et chinoises. Je pense en particulier à celles qui ont ciblé l'Agence européenne du médicament au moment où les dossiers des laboratoires Pfizer et Moderna y étaient examinés. Ces cyberattaques ont sans doute vu travailler ensemble des espions chinois et des hackers russes.
La Chine reprend également des thèses russes, notamment autour de la guerre d'Ukraine. Sur tous les médias sociaux chinois, on retrouve le narratif russe, clairement anti-occidental. Une note interne de l'administration chinoise qui a été communiquée par un lanceur d'alerte justifie, une fois de plus, de cibler les démocraties constitutionnelles occidentales.
D'autres pays ciblent l'Union européenne depuis longtemps et continuent de le faire, comme l'Azerbaïdjan. On se souvient du « Caviargate », qui avait frappé l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. On constate une chasse aux dissidents qui se déroule jusque dans notre territoire et qui remet en cause notre propre souveraineté – c'est mon avis personnel – lorsqu'une tentative d'assassinat vise, sur notre sol, une personne qui a reçu le statut de réfugié politique.
Il faut évoquer aussi les mouvements religieux qui, au travers de certains pays ou de mouvements non étatiques, interfèrent avec l'Union européenne. Je pense d'abord aux mouvements islamistes et aux pays qui soutiennent les Frères musulmans, comme la Turquie ou le Qatar. Au niveau des institutions européennes, le Forum of European Muslim Youth and Student Organisations (FEMYSO), un organisme qui s'adresse aux jeunesses et aux étudiants musulmans d'Europe, est très lié aux Frères musulmans, bien qu'il le nie. Il s'exprime constamment auprès des institutions européennes et bénéficie de financements de la Commission européenne, sur lesquels j'ai commencé à me pencher. Il s'agit, non pas seulement de dénoncer, ce qui est facile, mais aussi de définir avec la Commission européenne les critères qui nous permettront de nous protéger de ce type d'interférence.
Le Qatar soutient lui aussi les Frères musulmans, c'est une évidence. Il semblerait qu'il ait été à l'origine d'une tentative de corruption, ou d'une corruption, de membres ou d'anciens membres du Parlement européen. J'emploie le conditionnel, puisqu'une enquête est en cours et que la présomption d'innocence impose de prendre des précautions. C'est d'ailleurs là-dessus que je rédige le rapport pour la commission INGE 2 qui sera voté aux mois de juin et juillet.
Des mouvements chrétiens étrangers tentent également de s'ingérer dans les institutions européennes ou dans l'Union européenne. Ce sont des mouvements hostiles aux droits des femmes et aux personnes LGBT, inspirés à la fois d'évangéliques américains et d'orthodoxes russes. On retrouve parfois côte à côte, dans la même conférence, des Polonais, des Russes, autour de Konstantin Malofeïev, et des Américains, ce qui est un peu vertigineux. Ils sont d'accord sur une chose : en faire baver aux femmes et aux minorités. De l'argent circule dans ces mouvements, notamment de l'argent russe. Même s'il est naturel de prêter attention aux Frères musulmans et aux ingérences islamistes, n'oublions jamais que d'autres mouvements religieux doivent être surveillés. Ils ont tous en commun de s'en prendre aux droits des femmes, une cause qui, vous n'en serez pas étonnés, me touche particulièrement.
J'en arrive à la France, qui ne diffère pas des autres pays puisque l'ingérence russe y est particulièrement forte. Durant la campagne électorale de 2017, des trolls russes interviennent en très grand nombre pour cliver les débats et les envenimer. Des entreprises d'État dites d'information, mais qui sont en réalité des entreprises de propagande, dénigrent systématiquement le même candidat, Emmanuel Macron. Les liens que l'on avait notés, au moment de l'élection américaine de 2016, entre les trolls russes et l' alt-right américaine, sont toujours manifestes au moment de l'élection française de 2017. Ils contribuent à la diffusion de fausses rumeurs, par exemple au sujet d'un compte bancaire qu'Emmanuel Macron détiendrait aux Bahamas, qui sont reprises – malheureusement – par une candidate à l'élection présidentielle en France.
Le piratage de la campagne d'Emmanuel Macron n'est pas strictement attribué, mais la méthode utilisée est semblable à celle du groupe de hackers russes Fancy Bear. Le contenu part d'abord chez des militants américains, avant de revenir en France, amplifié par des bots. Les institutions françaises ont réagi avec sang-froid, faisant échouer l'opération. Un troll russe assez célèbre, Konstantin Rykov, a dit à la télévision, face caméra : « Nous avons réussi, Trump est président. Malheureusement, Marine n'est pas devenue présidente. Une opération a réussi, l'autre a échoué. »
Le canal privilégié par Moscou pour diffuser son influence en France est, comme ailleurs en Europe, l'extrême droite. La Russie et le Rassemblement national (RN), c'est une histoire qui commence avec Jean-Marie Le Pen et qui se poursuit. Ce que l'on note, ce sont des voyages fréquents et des déclarations inhabituelles, par leur nombre et leur intensité, au sujet de la Russie et de Vladimir Poutine, du type « J'admire Vladimir Poutine » ou « La presse d'opposition est plus libre en Russie qu'en France ». Je n'imagine aucun autre homme ni aucune autre femme politique citer ainsi un pays étranger et dire la même chose d'un autre dirigeant étranger.
Ces déclarations sont récurrentes et se reproduisent dès que la Russie est mise en cause, par exemple au moment de l'assassinat de Boris Nemtsov ou de l'empoisonnement de Sergueï et Ioulia Skripal au Royaume-Uni. À chaque fois, on entend, de la part du RN, des arguments que ne démentirait pas un porte-parole russe. Au début de la guerre d'Ukraine, de même, on entend une mise en doute des crimes de guerre, un narratif expliquant que l'OTAN a sa part de responsabilité, une opposition aux livraisons d'armes et aux sanctions contre la Russie. Tout cela finit par faire une grille de lecture qui peut amener quelqu'un à penser sincèrement que la Russie est attaquée et que les torts sont partagés.
Ce qui est plus troublant, c'est le financement du Rassemblement national : c'est le seul parti à avoir eu recours à une banque russe, et pas n'importe laquelle puisqu'elle est connue pour avoir participé à du blanchiment d'argent de la corruption et au contournement de sanctions iraniennes. Cette banque ayant fait faillite, le prêt a été repris par une entreprise russe et, là encore, pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit d'une entreprise sous sanctions américaines pour participation à la prolifération d'armes de destruction massive. Cette entreprise, qui exporte des pièces détachées aéronautiques, le fait notamment en direction de la Syrie de Bachar al-Assad. Maintenant qu'il est interdit de rechercher des financements en dehors de l'Union européenne, le Rassemblement national emprunte dans une banque hongroise proche de Viktor Orbán, le dirigeant européen qui a le plus de sympathie pour la Russie de Vladimir Poutine. Ce sont des choix qui interrogent et qui n'ont été faits par aucun autre parti politique. Au-delà des déclarations de Marine Le Pen, il y a celles de nombreux autres membres du Rassemblement national, qui sont très fréquemment sensibles au narratif russe.
Le Rassemblement national n'est pas le seul parti à apprécier la Russie ; c'est aussi le cas du parti Reconquête, au sein duquel on constate aussi un mélange de déclarations et de voyages, y compris de voyages d'affaires : je songe à Philippe de Villiers et à sa tentative de monter un Puy du Fou en Crimée, annexée par la Russie. Entre les votes qui ont lieu en France et ceux qui ont lieu au sein du Parlement européen, il peut y avoir une différence dans la manière dont l'extrême droite se positionne sur les questions liées à la Russie.
Je ne manquerai pas de relever des choix de positionnement de La France insoumise (LFI) sur la Russie et sur l'Ukraine, qui sont clairement teintés d'antiaméricanisme et d'hostilité à l'OTAN. Il ne faut pas oublier, non plus, que Jean-Luc Mélenchon a longtemps été conseillé par deux personnes dont la sympathie pour la Russie était manifeste et qui ont toutes deux quitté LFI, l'une pour monter un parti souverainiste et l'autre pour rejoindre le Rassemblement national. Puisque j'ai évoqué Gerhard Schröder, je dois aussi dire un mot de François Fillon : il est tout de même étrange que deux anciens chefs de gouvernement aient rejoint des intérêts économiques russes proches du Kremlin.
Je voudrais aussi donner un coup de projecteur sur d'autres formes d'ingérence de la Russie dans notre pays. L'utilisation de relais médiatiques n'a fait que croître depuis que Russia Today et Sputnik ont été fermées en Europe. Je pense au présentateur de la chaîne YouTube Thinkerview, qui se veut disruptif et dit vouloir traiter l'actualité autrement. Il a été invité par Sergueï Lavrov, lorsque celui-ci est venu à Paris. Il a accepté l'invitation et invite régulièrement des officiels russes dans son émission. C'est son droit – nous sommes dans un pays de liberté et c'est notre chance –, mais c'est surtout son choix : un choix qui peut interroger.
J'ai dit que les médias russes ou prorusses, ou les trolls, s'étaient beaucoup investis, en France, sur des sujets clivants : ce fut le cas avec les gilets jaunes, mais aussi avec la pandémie de covid. J'évoquerai aussi une création plus récente d'Evgueni Prigojine, la Foundation to Battle Injustice, qui entend défendre des « lanceurs d'alerte » ou les « victimes de violences policières » – et dont les initiales rappellent que son créateur est lui-même recherché par le FBI. Cette fondation lui donne à la fois de la visibilité et des moyens financiers et juridiques. Il y a fort à parier que, sur ces sujets, comme sur d'autres, son but est de cliver et d'obtenir que les Français se dressent les uns contre les autres.
Il faut dire un mot aussi des campagnes antifrançaises qu'Evgueni Prigojine mène en Afrique, grâce à la fois au groupe Wagner et à son groupe de médias de désinformation qui manipule des influenceurs panafricanistes pour essayer de dresser les opinions publiques africaines contre la France.
J'ai évoqué les ingérences de la Turquie en Europe. Elle est active en France, où elle est en guerre contre la laïcité à la française. On l'a vu après l'assassinat de Samuel Paty, avec les déclarations du président turc. En 2018, déjà, il déclarait que les musulmans de France étaient sous sa protection. Je considère, à titre personnel, qu'il s'agit clairement d'une ingérence. Il est aussi le plus gros fournisseur d'imams détachés en France, au travers d'associations qui sont proches du parti au pouvoir et qui, soit essayent de présenter des candidats à des élections locales, soit gèrent des mosquées ; Millî Görüş gère soixante-dix mosquées en France.
L'activisme de certains régimes à notre endroit vise à nous rendre soit hystériques, soit apathiques. Hystériques, en nous dressant les uns contre les autres et en nous donnant l'impression que, quel que soit le sujet, tout va devenir violent et que nous sommes irréconciliables. Apathiques, lorsque la désinformation vise, notamment sur des sujets internationaux, à ce que les opinions occidentales renoncent à avoir un avis et en viennent à se dire : « Finalement, je ne sais pas. » C'est beaucoup le cas sur l'Ukraine, quand on nie l'existence de crimes de guerre à Boutcha ou la présence de civils dans le théâtre de Marioupol. Ce n'est pas vraiment fait pour être cru, mais pour intimider les gens et pour faire en sorte qu'ils se détournent du sujet, parce qu'ils n'y comprennent plus rien. C'est une vieille habitude russe.
Si vous m'y autorisez, j'aimerais finir cette intervention par une citation d'Hannah Arendt, que je relis régulièrement : « Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez. » Cette phrase me semble malheureusement prémonitoire.