Intervention de Jean-Claude Raux

Réunion du mardi 9 mai 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Raux :

Le robot conversationnel ChatGPT, lancé en novembre dernier, a fait beaucoup parler de lui et il ne s'agit probablement que d'un début. Ses capacités impressionnantes de rédaction de contenu, sur n'importe quel sujet, donnent un avant-goût de la puissance des technologies d'intelligence artificielle et de leur potentiel pour assister le travail humain, voire le remplacer. Selon l'étude déjà citée menée par les économistes de Goldman Sachs, 18 % des emplois pourraient être menacés à terme.

S'il est permis de douter des promesses de remplacement de l'éreintant travail humain par la machine, certains effets du développement du numérique sont d'ores et déjà concrets. L'extraction de minerais rares utilisés pour élaborer des composants électroniques, dont l'obsolescence programmée n'est plus à démontrer, constitue des sacrifices environnementaux importants. L'explosion du partage de données entraîne en outre une augmentation continue de la consommation énergétique des centres de données, qui nécessitent un refroidissement constant. Selon l'Agence de la transition écologique (Ademe), l'activité du secteur représente 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, à défaut d'avoir supprimé un seul emploi à ce jour, l'intelligence artificielle en morcelle des centaines de millions à Madagascar, au Venezuela ou en Colombie. Les « petites mains » de l'intelligence artificielle travaillent dans des cybercafés, à leur domicile ou dans des sociétés qui ont pignon sur rue. Cette main-d'œuvre très peu qualifiée n'a pas de contrat de travail, car elle s'organise en microentreprises connectées à des plateformes en ligne. Les travaux du sociologue Antonio Casilli ont montré que la rémunération médiane de ces métiers tournait autour de 2 dollars de l'heure, sans assurance maladie, retraite ou autre forme de couverture sociale.

Monsieur le ministre délégué, n'ayant pas trouvé les réponses que je cherchais dans votre interview donnée à Libération la semaine dernière au sujet des garde-fous nécessaires au développement de l'intelligence artificielle, je vous poserai trois questions. Quand dépasserons-nous cette fascination technologique qui nous empêche de voir les dérives sociales et environnementales de cette industrie ? Quand exigerons-nous des entreprises technologiques qu'elles assument la responsabilité des destructions du travail et de l'environnement qu'elles risquent d'entraîner ? Comment faire pour que les promesses d'automatisation ne cachent pas des projets de microtravail, dans lesquels les investisseurs récupèrent les gains liés à la sous-traitance dans d'autres pays ?

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