Madame Thomin, sans vouloir être polémique, je comprends encore moins, après votre amendement, le débat de l'autre soir sur l'amplification : votre amendement tend à ce que le budget annuel des armées soit de 64,95 milliards d'euros la dernière année, contre 68,91 milliards dans les autres amendements et la copie du Gouvernement. Il manquerait donc 4 milliards d'euros : c'est un amendement diminuant le budget annuel des armées. Non seulement tous les amendements par lesquels vous souhaitiez plus de bateaux, plus d'activité ou plus de moyens pour le plan « famille » tombent à l'eau, mais il faudrait aussi enlever beaucoup de choses que nous avons prévues.
Cet amendement, que je vous invite à retirer, me conduit à réexpliquer ce que sont les marches. Vous nous avez reproché lors de la discussion générale, avec d'autres, de prévoir les mêmes marches, de 3 milliards, chaque année. Lorsqu'on monte un escalier, les marches sont cumulatives. J'ai été un élu municipal et départemental, et j'ai joué, moi aussi, avec les chiffres quand j'étais dans l'opposition. C'est de bonne guerre, mais je vais quand même redonner les chiffres : nous prévoyons en 2017 32,3 milliards d'euros, en 2018 34,1 milliards, soit + 1,8 milliard, en 2019 35,8 milliards, soit + 3,5 milliards, en 2020 37,5 milliards, soit + 5,2 milliards, en 2021 39,2 milliards, soit déjà + 6,9 milliards d'euros par an depuis 2020, en 2022 40,9 milliards, soit + 8,6 milliards, et en 2023 43,9 milliards, soit cumulativement + 11,6 milliards par rapport à 2017.
J'observe au passage qu'il y avait moins de débats à la commission de la défense quand les moyens militaires diminuaient ! Mes prédécesseurs étaient plus questionnés sur les ressources extrabudgétaires que lorsqu'ils fermaient des régiments. Mais revenons aux chiffres : en 2024, nous prévoyons 47 milliards d'euros, soit + 14,7 milliards, en 2025 +17,7 milliards, en 2026 + 20,7 milliards, en 2027, fin du quinquennat, + 23,7 milliards d'euros d'effort, en 2028 + 28 milliards, en 2029 + 32,3 milliards et en 2030 + 36,6 milliards.
L'amendement du groupe socialiste donne l'impression qu'on pourrait avoir une progression très rapide au début, mais il aboutit à un budget militaire moins important à la fin. Il faut regarder les effets physiques que cela induit, comme le groupe LFI nous invite à le faire à chaque fois. La progression que nous proposons ne vise pas à émettre des signaux politiques ou stratégiques : elle correspond à des effets physiques.
J'en viens aux trois amendements du groupe La France insoumise. Vous nous dites que vous ne croyez pas à nos prévisions d'inflation, qui sont celles de Bercy, et que vous avez donc appliqué vos propres critères. Vous demandez des rapports, parce que vous n'auriez pas suffisamment de moyens, mais vous arrivez à redresser vous-mêmes l'inflation le soir dans vos chambres… Je conteste vos chiffres. Puisque vous avez évoqué le Haut Conseil des finances publiques, je suis curieux de connaître son avis sur vos projections.
Je sais que La France insoumise a parfois des problèmes de connexion quand il est question de dépenses publiques, mais vous arrivez, dans vos différents amendements, à un total de 413, 411 ou 403 milliards, auquel il faudra continuer à ajouter 13 milliards de recettes extrabudgétaires, à moins que vous ne les supprimiez, comme certains amendements le demandent – je ne souhaite pas, pour ma part, qu'on supprime des ressources affectées au ministère de la défense. Même s'il y a toujours des marges frictionnelles et des retards, l'augmentation du budget militaire que vous prévoyez est donc très importante. Vous proposez une copie entièrement nouvelle, qui n'est absolument pas compatible avec les finances publiques, ni réaliste. On ne sait toujours pas à quelle armée, à quelles alliances, ni à quelle dissuasion nucléaire cela correspondrait, mais peu importe, puisque vous proposez des marches…
Je vous ai trouvé bien taquin, Monsieur Jacobelli, quand vous avez évoqué les efforts en début de période et que vous avez dit que vous prendriez soin de la question quand vous seriez aux affaires. Mme Le Pen, qui avait un programme, proposait un budget annuel pour le ministère des armées de 55 milliards d'euros en 2027. Le Président de la République et les députés élus sous les couleurs de la majorité présidentielle proposent 56 milliards, soit 1 milliard de plus. Si vous aviez dû faire des marches à l'époque, elles auraient furieusement ressemblé aux nôtres.
Quand on prévoit des marches aussi importantes au début, comme vous le faites dans l'amendement que vous avez déposé, et qu'on termine par des marches de 900 millions d'euros, cela veut dire qu'on décide d'acheter sur étagère, donc pas forcément en France – on n'accélère pas ainsi la production des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, des sous-marins nucléaires d'attaque ou plus généralement les grands programmes. Ou alors on fait de l'affichage, en prévoyant des AE – autorisations d'engagement – plutôt que des CP – crédits de paiement.
Vous voulez peut-être acheter en Allemagne ou aux États-Unis ; si vous voulez le faire en France, la courbe que vous proposez n'est pas soutenable. Ce n'est donc qu'un amendement d'appel, à caractère politique : cela ne peut pas correspondre avec ce que vous proposez fondamentalement. Ce n'est compatible ni avec le programme de Mme Le Pen, même en prenant en compte l'inflation, ni avec vos orientations industrielles.
Les amendements des députés Les Républicains vont de 403 à 411 milliards d'euros sur l'ensemble de la période, auxquels il faut ajouter les 13 milliards déjà évoqués. Votre propos est qu'il faut faire plus en début de période, et donc prévoir une répartition différente – c'est ce qu'a demandé le président Marleix hier soir, sur Twitter. Il faudrait, cependant, nous dire pour quels effets sur le plan militaire et « caper » l'ensemble, pour assurer la soutenabilité budgétaire, et on revient aussi à la question de la cohérence d'ensemble. J'émets donc un avis défavorable à ces amendements, comme aux précédents, s'ils ne sont pas retirés.
Je le redis s'agissant des marches : il faut que l'effort soit soutenable sur la durée, sans quoi on sait bien comment cela se terminera, en particulier après 2027 : en cas de retournement de situation, le ministère des armées sera encore le premier à trinquer. C'est sur lui qu'on fera des économies parce qu'on n'aura pas veillé à définir une pente soutenable. Je souhaite donc qu'on trouve un équilibre.