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Intervention de Thibaut de Vanssay

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 15h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Thibaut de Vanssay :

, directeur des ressources humaines du ministère des armées. Les questions de ressources humaines irriguent notre ministère et suscitent l'intérêt de votre commission, comme en témoigne la densité de vos échanges sur ce thème avec le secrétaire général pour l'administration le 12 avril dernier et avec les représentants de notre industrie de défense ce matin.

La dimension humaine prendra nécessairement une place croissante dans les missions couvertes par la loi de programmation militaire (LPM) qui vous est soumise, suivant ainsi les orientations fermes données dans la LPM 2019-2025. Le ministre vous l'a dit : étant donné le contexte géostratégique, il souhaite confirmer le modèle d'une armée professionnelle d'emploi, modernisée et durcie. Il faut donc assurer un lien étroit entre le système de menaces auquel nous faisons face et le système d'hommes et de femmes qui doit être prêt à les affronter.

L'enjeu majeur est la fidélisation. C'est vrai pour les armées comme pour toutes les organisations publiques et privées, les représentants de la base industrielle et technologique de défense (BITD) ont dû en témoigner ce matin. Dans un marché de l'emploi dynamique et concurrentiel, attirer la ressource humaine nécessaire en quantité et en qualité est un défi chaque année renouvelé pour un ministère qui recrute entre 28 000 et 30 000 personnes par an.

Nous sommes confrontés à une conjonction de facteurs bien peu fréquente depuis quarante ans : un chômage historiquement bas et une inflation supérieure à 5 %, ce qui ne s'était pas vu depuis 1985, mais aussi l'émergence extrêmement rapide de nouveaux métiers stratégiques pour nos armées dans la cybernétique, les nouveaux espaces de conflictualité, les fonds sous-marins, l'espace. Il nous faut donc générer de la ressource assez rapidement, et ce contexte inédit entraîne une tension extraordinaire, au sens premier du terme, sur les ressources humaines du ministère des armées, fortement dépendant de la situation du marché de l'emploi. Sur longue période, la corrélation entre la situation de marché de l'emploi et la capacité du ministère à tenir ses effectifs est proche de 1. C'est qu'à la différence d'autres administrations, nous ne recrutons pas pour une carrière complète : nous renouvelons chaque année environ 15 % des effectifs, essentiellement contractuels s'agissant des militaires et désormais de plus en plus pour les civils. Aussi, s'il fallait résumer en un seul mot la politique de ressources humaines que nous voulons conduire dans la LPM 2024-2030, ce serait « fidélisation ».

Nous parvenons, globalement, à tenir nos objectifs de recrutement, même si, je vous l'ai dit, c'est chaque année un véritable défi. En préparant la nouvelle LPM, nous avons tiré les conséquences de la difficile réalisation des schémas d'emploi au cours des deux dernières années et nous sommes résolus à faire preuve de réalisme et de sincérité. C'est le sens du dernier alinéa de l'article 6, qui permettra d'adapter notre manœuvre en ressources humaines au marché de l'emploi.

Dans le cadre de la LPM 2024-2030, l'action en matière de ressources humaines se déclinera en trois volets : adapter le statut général des militaires, sans le dénaturer, par diverses mesures législatives ; consolider le ministère des armées comme un employeur de référence par la qualité de son accompagnement professionnel et social ; déployer une politique salariale cohérente avec l'ambition capacitaire fixée dans la LPM.

Parce que nous devons gagner en réactivité et en agilité dans la gestion des ressources humaines, plusieurs dispositions modifiant le statut général des militaires sont présentées qui visent à permettre une plus grande souplesse dans la diversité des parcours professionnels. Je pense à la possibilité donnée aux armées de conserver des cadres jusqu'à trois ans au-delà de la limite d'âge, de réengager des militaires ayant quitté le service, de pérenniser des promotions fonctionnelles. Notre politique en faveur de la réserve doit permettre, comme l'a indiqué le ministre, d'atteindre l'objectif d'un réserviste pour deux militaires d'active à l'horizon 2035, ce qui explique le relèvement assez important des limites d'âge dans la réserve opérationnelle. Nous sommes appelés à construire un modèle différent dans lequel les réservistes prendront une place plus importante. La trajectoire des effectifs, qui vise 275 000 emplois temps plein en 2030, militaires et civils confondus et sans les réservistes, pourra être adaptée au cours de l'exécution de la LPM. Nous serons aussi conduits, pour nous adapter à l'émergence des nouveaux métiers, à interroger la cohérence entre le grade et l'emploi.

Nous voulons aussi continuer d'investir massivement dans notre appareil de formation initiale et continue, déjà assez développé et qui suscite l'intérêt de nos partenaires interministériels, pour construire les compétences les plus expertes et réorienter vers d'autres métiers les personnels civils et militaires qui montrent des aptitudes particulières. Nous consoliderons les écoles de formation technique préparatoire, comme le prévoit une disposition du projet de loi, et nous donnerons un nouvel élan à la formation professionnelle en milieu militaire. Nos efforts de recrutement seront également tournés vers les écoles civiles en amont de l'obtention des diplômes, notamment en développant des bourses de formation, étendues aux futurs recrutements de personnels civils. Enfin, les grandes écoles sous tutelle du ministère des armées et de la direction générale de l'armement devront mieux contribuer à l'élaboration des parcours d'excellence pour nos cadres civils et militaires.

La fidélisation passe également par un accompagnement professionnel et social différenciant le ministère des armées d'un autre employeur. Ce sera notre deuxième axe d'intervention, et cette politique connaîtra un nouvel élan avec le plan « famille II » annoncé par le ministre. Doté de 750 millions d'euros sur la période, il doit aider à répondre aux besoins des personnels militaires et civils. Il visera en particulier à mieux accompagner les conséquences de la mobilité des militaires en matière de logement, d'emploi des conjoints et de garde d'enfants. Pour tenir compte des enseignements tirés du premier plan « famille », le nouveau plan dotera les commandants de terrain de moyens leur permettant de conduire des actions à l'échelle du régiment, de la base aérienne ou de la base navale.

Enfin, la politique salariale aura trois objectifs. Le premier est, sans surprise, la rétention : nous souhaitons développer des mesures ciblées vers les populations civiles et militaires qui ont acquis de l'expérience, et donc les femmes et les hommes âgés de 35 à 45 ans qui forment le cœur de nos ressources d'encadrement. Le deuxième objectif est celui de l'expertise, pour viser les compétences davantage que les statuts, puisqu'aujourd'hui certaines compétences sont exercées ou détenues indifféremment par du personnel civil ou du personnel militaire. Le troisième objectif est l'agilité : des dispositifs réversibles doivent nous permettent de réagir plus rapidement aux évolutions des comportements et du marché de l'emploi.

En outre, il conviendra de tirer toutes les conséquences, de la mise en œuvre de la NPRM qui sera pleinement déployée à la fin de cette année et dont les effets seront quantifiables et visibles en début de LPM, sachant que les politiques de ressources humaines, notamment la politique salariale, s'inscrivent nécessairement dans le temps long.

En outre, la période couverte par la nouvelle LPM permettra de traduire dans les faits les éléments de rénovation indiciaire contenus dans la NPRM. Ce chantier indiciaire, qui comportera des mesures ciblées sur des populations bien identifiées, visera aussi à contrer les effets assez puissants du tassement des grilles dû aux relèvements successifs du minimum de la fonction publique. Nous voulons, grâce à la rénovation indiciaire, consolider la valeur méritocratique des parcours professionnels militaires, qui est l'essence de notre modèle de ressources humaines pour chacune des armées.

Vous le voyez, les questions de ressources humaines sont parfaitement intégrées dans le projet de LPM. Nous déployons une stratégie d'ensemble qui nous permettra d'agir sans doute comme nulle autre organisation, sur une très large palette de leviers : la formation, l'environnement professionnel, la qualité de vie au travail, le suivi des jeunes, l'égalité femme-homme, la reconversion et, bien sûr, la politique salariale.

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