Lorsque nous avons travaillé sur la lutte contre les ingérences numériques étrangères, je vous ai présenté le projet de création d'un service à compétence nationale, Viginum. Après avoir été actif pendant les campagnes électorales ainsi que le referendum en Nouvelle-Calédonie, ce service se concentre désormais sur une série d'acteurs qui pourraient nous nuire. À ces champs d'action s'ajoutent les menaces contre nos entreprises, en raison des nombreuses attaques informationnelles menées dans le cadre de la guerre en Ukraine.
La coordination de ces acteurs est importante : nous avons fait le choix de distinguer, là encore, l'épée et le bouclier. Dans ce cadre, le ministère des affaires étrangères a pour rôle d'expliquer la position de la France, notamment dans les pays africains où nous sommes très attaqués, en mettant à profit son réseau de diplomates. Ses effectifs ont été renforcés par le Président de la République et la Première ministre à cette fin. S'agissant du bouclier, nous avons décidé de nous appuyer sur un dispositif inspiré du C4. Je dirige un comité opérationnel de lutte contre les manipulations de l'information, qui réunit l'ensemble des ministères et des services de renseignement, ainsi que le Service d'information du gouvernement (SIG) afin de surveiller ces attaques, dans le cadre des textes qui régissent Viginum. L'ensemble de ces services détecte, le plus tôt possible, les attaques, tente de les caractériser, et transmet les informations aux autres pour leur permettre de les analyser et proposer un moyen de réaction.
L'exemple de Gossi est particulièrement éclairant : il nous a fallu démontrer que des troupes avaient remplacé nos soldats à Gossi, et que ces nouveaux venus avaient récupéré et enterré sur place des cadavres pour faire croire à un massacre perpétré antérieurement à leur arrivée. Ces fausses informations avaient été propagées par des bots et des trolls, dont les adresses IP ont pu être retracées aussi bien en Russie qu'aux États-Unis. Sans cette analyse, notre parole aurait manqué de crédibilité : nous ne prétendons pas détenir la vérité, mais nous expliquons comment la fausse information a été créée.
Ainsi, les contre-réactions que nous pouvons employer incluent le contre-discours, l'explication, l'utilisation du droit – la loi de 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information ou la loi de 1881 sur la liberté de la presse – ou encore la possibilité de représentation diplomatique : lorsque nous démontrons qu'une information a été manipulée par un État, c'est toute sa politique, sa réputation internationale et sa capacité à convaincre et à agir qui peuvent être remises en cause.
Compte tenu des tensions actuelles, nous avons accéléré le dispositif. Ainsi, le comité opérationnel de lutte contre les manipulations de l'information se réunit à la fois en séance plénière et restreinte pour échanger quasiment jour par jour les informations qui nous parviennent afin de les signaler et d'y réagir le plus tôt possible.