Intervention de le général d'armée Thierry Burkhard

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées :

L'Afrique est importante pour la crédibilité française. Nous y sommes particulièrement observés par nos alliés européens, notre allié américain et nos grands compétiteurs. Nous n'avons probablement pas perçu suffisamment tôt comment l'Afrique évoluait. Mais nous avons également évolué, d'une manière qui ne nous a pas permis d'appréhender de manière globale ce qu'il s'y passait. Il y a vingt ans, au-delà du dispositif militaire qui est d'ailleurs toujours existant, des centaines de coopérants français se trouvaient en Afrique dans les domaines de l'éducation, du développement ou de la culture. Aujourd'hui, ils ont presque disparu. Seuls les militaires ont maintenu une présence visible de la France, par la force des circonstances. Compte tenu de la guerre contre le terrorisme, nous avons augmenté la durée de nos opérations. Cette visibilité s'est d'autant plus accrue que les autres aspects de la présence de la France ont diminué.

Le sentiment anti-français qui est souvent mis en avant ici ou là n'est pas généralisé. Il est néanmoins réellement présent dans certains endroits, et nos compétiteurs le savent et en jouent. Ils sont aujourd'hui très présents en Afrique et ils sont moins bien intentionnés que nous.

Certains sont ainsi capables de proposer une offre économique extrêmement incitative, mais aussi intéressée. Les pays africains commencent à s'en rendre compte sur certains aspects. De son côté, Wagner propose une offre sécuritaire séduisante auprès de régimes issus de coups d'État ou en difficulté. Auparavant, nous étions la seule interface de ces régimes, mais aujourd'hui ils disposent d'une alternative sans condition ou presque, puisqu'il suffit de payer, ce que nous ne réclamions pas.

Nous devons également changer nos conceptions en individualisant nos relations. Notre dispositif ne se transforme pas en Afrique ; il se transforme au Sénégal, en Côte d'Ivoire ou au Gabon. Ces pays en ont assez d'être considérés comme formant un ensemble homogène. Nous devons donc veiller à la manière dont nous présentons les choses. L'évolution aura lieu pays par pays, au rythme où ces pays le voudront et en fonction des objectifs qu'ils auront définis. Ce sera essentiel : la crédibilité française repose en partie sur ce que nous sommes capables de faire en Afrique et sur la poursuite de la défense de nos intérêts.

Nous sommes donc engagés dans un véritable changement d'approche dans nos relations avec les partenaires africains, pour l'orienter vers une vraie co-réflexion et une vraie co-construction. Notre dispositif militaire va s'ajuster en conséquence, au cas par cas. Cela nécessitera des efforts très importants de part et d'autre, mais également un véritable investissement interministériel.

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