Intervention de le général d'armée Thierry Burkhard

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

le général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées :

La précédente LPM était une LPM de réparation et nous conduisait vers une ambition opérationnelle 2030, pour l'engagement vers la haute intensité. Nous avons été probablement rattrapés par les événements, mais au même titre que les autres armées occidentales, notre armée s'est engagée face au terrorisme militarisé durant les vingt dernières années, dans des opérations certes dures mais dans un relatif confort opérationnel. En effet, la troisième dimension était maîtrisée, nos voies d'approvisionnement aériennes, maritimes et terrestres étaient sécurisées, etc.

Désormais, un changement d'échelle est nécessaire pour pouvoir faire face à un conflit de haute intensité. Ce changement d'échelle ne peut s'effectuer en un claquement de doigts. Les développements doivent ainsi être cohérents pour aller vers cette haute intensité ; mais cette cohérence avait pu être mise à mal parce que nos engagements du moment nous avaient conduits à fixer autrement les priorités. Un problème de formation et d'entraînement se pose également. Les leçons de la guerre en Ukraine sont à ce titre éclairantes : il semble que l'armée russe n'ait pas su s'entraîner et se préparer à la guerre de haute intensité, à la fois dans l'organisation de son commandement, dans le développement de son système logistique et dans son système de manœuvre et de combat interarmes et interarmées. Cette LPM vise à développer ces capacités.

Pour moi, le point clef porte donc bien sur la cohérence. Nous devons aller au-delà de la possession d'un parc. Si nous ne disposons pas de l'autonomie logistique nécessaire au déploiement des moyens que nous avons achetés, nous ne répondrons pas aux enjeux. Cela ne posait pas de problème quand nous engagions 5 000 hommes en Afghanistan ou au Mali. En revanche, dans le cadre de la haute intensité, le volume de forces à déployer serait bien supérieur. Nous ne pouvons pas couvrir uniquement la cible capacitaire stricto sensu ; nous devons aussi procéder à un rattrapage de nos stocks de munitions, renforcer le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels et disposer de moyens d'entraînement et de moyens logistiques. Cela explique aussi la manière dont nous procédons ; un rattrapage est nécessaire pour être au niveau des défis auxquels nous pourrions être confrontés.

Ensuite, le conflit de haute intensité est un sujet collectif d'engagement en multinational. La France veut cependant conserver des moyens pour être capable d'agir seule là où c'est nécessaire, ce qui implique un certain nombre de choix. D'autres pays se posent beaucoup moins cette question, car ils considèrent qu'ils ne peuvent s'engager qu'au sein d'une alliance ou avec un allié majeur. Telle n'est pas la position française.

Nous devons donc conserver un certain nombre de moyens que vous appelez parfois « échantillonnaires ». Or la France est marquée par des caractéristiques singulières. Par exemple, nous avons des possessions outre-mer et nous devons être capables d'y intervenir malgré la tyrannie des distances. Nous devons être capables d'agir de manière autonome et nous croyons également au pilier européen de la défense. Ces éléments expliquent la manière dont les contrats opérationnels sont construits. La dissuasion nucléaire constitue le socle de notre défense et les autres capacités s'articulent autour d'elle. Ces différents aspects expliquent le mode de construction de cette LPM, en respectant la cohérence et les volontés d'autonomie et d'indépendance de la France.

Je ne parlerais pas de « LPM au rabais », compte tenu de l'effort de la nation, qui est extrêmement important. Cet effort est employé et distribué pour permettre d'exercer un modèle de défense français.

Ensuite, les hommes et les femmes étant les éléments clefs de notre armée, la formation représente le premier levier sur lequel nous pouvons agir. La formation porte ainsi sur la haute intensité, le renforcement des forces morales, mais aussi probablement sur une plus grande subsidiarité et l'utilisation de la technologie, à tous les niveaux. La subsidiarité sera clef : dans un combat de haute intensité, certains combattants seront plus coupés de leurs chefs qu'ils ne le sont aujourd'hui, ils devront savoir et pouvoir agir en autonomie.

En matière de contrats opérationnels, nous privilégions la cohérence avant la masse ; la réactivité avant l'endurance. Notre effort porte vers la haute intensité, nous devons être capables de réagir vite. Au fur et à mesure de la LPM, l'endurance viendra compléter la réactivité.

Le rôle de nation-cadre est également important dans les contrats opérationnels. Le groupe aéronaval est un agrégateur de pays. Ceci vaut aussi dans le domaine terrestre, avec la capacité à conduire des opérations au niveau des divisions et du warfighting corps, le niveau auquel la bataille se mène aujourd'hui et façonne l'adversaire dans la profondeur, ce qui est essentiel en termes d'autonomie politique. Cela vaut enfin pour le système aérien, avec un commandement Joint Force Air Component Commander (JFACC), qui est capable de coordonner et conduire plusieurs centaines de missions aériennes par jour avec des moyens de surveillance et de ravitaillement.

La fidélisation est extrêmement importante, compte tenu notamment du niveau de décalage entre les sujétions militaires et la manière dont le monde civil vit aujourd'hui. Nous menons des réflexions sur notre positionnement dans le monde de l'emploi et de la mobilité, afin de faire en sorte que le système ne soit pas trop en décalage. Je rappelle la nécessité d'être extrêmement mobile, puisque le marché de l'emploi l'est également.

Ensuite, il est logique que les armées contribuent aux Jeux olympiques, lesquels constituent un véritable rendez-vous pour notre pays. Les armées sont intégrées dans la montée en puissance du dispositif. Comme je l'ai indiqué au préalable, un des rôles des armées est de contribuer à la protection des Français face à la dangerosité du quotidien. Le défi consiste à anticiper ces éléments, même si nous savons que nous devrons être réactifs.

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