Depuis le début, nous ne cessons de répéter qu'il aurait été évidemment plus logique et pertinent que le débat sur le bien-fondé d'un nouveau programme de réacteurs nucléaires se déroule dans le cadre de la LPEC, prévue cet été. La programmation doit effectivement se faire dans une loi de programmation et non pas dans une loi dite technique, cela paraît tout à fait logique.
À cet égard, nous regrettons vivement l'inscription d'objectifs programmatiques et nous sommes très inquiets du dispositif réintroduit en CMP permettant une actualisation de la PPE par une révision simplifiée dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.
Autre critique : comment justifier le fait de transformer en un plancher l'objectif de réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans le mix électrique français d'ici à 2035, alors que le scénario de RTE le plus nucléarisé ne franchit pas ce seuil ?
Nous sommes également très dubitatifs s'agissant des objectifs énergétiques en matière de recherche et d'innovation, ainsi que d'hydrogène nucléaire, comme sur l'ajout de la précision que « l'objectif de décarbonation porte notamment sur la construction de réacteurs électronucléaires et de petits réacteurs modulaires ».
Enfin, les articles 1er D et 1er comportent des références à la construction de quatorze réacteurs, qui n'ont pas leur place dans ce texte. Encore une fois, la nature de ces dispositions veut qu'elles soient débattues dans le cadre d'un projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat, et nulle part ailleurs.
Ensuite, vous abîmez la concertation et la transparence, en supprimant le processus de demande et d'octroi de l'autorisation d'exploiter un réacteur électronucléaire, alors qu'il est indispensable pour que les populations concernées puissent accepter de tels projets. Au moment d'envisager de relancer le nucléaire, la question n'est pas de savoir s'il faut gagner dix-huit mois sur le temps des procédures administratives – alors que la construction d'un tel ouvrage dure en moyenne quinze ans –, elle concerne plutôt la capacité à relever un tel défi industriel, et les moyens à déployer pour y parvenir.
La France n'a pas mené semblable programme de construction de plusieurs réacteurs depuis plus de vingt ans. Ce constat est synonyme d'une véritable perte de compétences industrielles, que tout le monde reconnaît. Il faut les reconquérir. Le 21 avril dernier, le Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (Gifen) a rendu son rapport sur les besoins et capacités industrielles de la filière, notamment en matière de main-d'œuvre : entre 2023 et 2033, il faudrait recruter 100 000 personnes, en emplois directs et indirects. La filière s'attend à voir le volume de travail croître de 25 % au cours des dix prochaines années, dans une vingtaine de segments d'activité opérationnelle. Les recrutements en chaudronnerie augmenteraient de 140 %, davantage encore en génie civil, alors que nous faisons déjà appel à des soudeurs américains pour résoudre les problèmes de corrosion sous contrainte.
De multiples questions se posent donc. Comment disposer d'une main-d'œuvre suffisante pour construire de nouveaux réacteurs, ainsi que vous le souhaitez, et pour assurer leur maintenance dans des conditions de sécurité optimales ? Comment préparer les formations professionnelles et organiser le recrutement ? Quels modes de financement faut-il déployer ? Enfin et surtout, serons-nous capables tout en même temps de développer massivement les énergies renouvelables, de mener à bien le programme Grand Carénage et de construire de nouveaux EPR ? Toutes ces questions doivent trouver réponse – nous y comptons – dans le projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat que la Première ministre a annoncé lors de sa conférence du 26 avril dernier, consacrée au programme des « cent jours ». Il faut arrêter de survoler les sujets en se plaçant sur un plan technique et établir enfin un scénario clair pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.
La future loi de programmation suscite de grandes attentes. La science, l'écologie et les contraintes techniques humaines afférentes à chaque option de mix énergétique guideront la réflexion du groupe Socialistes et apparentés. Nous revenons de Cherbourg, où nous avons assisté à un séminaire de deux jours consacré aux questions énergétiques.