Il nous appartient par conséquent de nous prononcer sur la création de cette commission d'enquête, pour juger non seulement de sa recevabilité juridique, mais aussi de son opportunité, dans le cadre de nos travaux parlementaires. La semaine dernière, les trois conditions de recevabilité posées par notre règlement intérieur ont été reconnues satisfaites par la commission des lois, à une très large et plurielle majorité. Premièrement, l'objet de l'enquête a été jugé suffisamment précis. Deuxièmement, aucune autre commission d'enquête n'a examiné ce même sujet au cours des douze derniers mois. Troisièmement, enfin, la condition tenant à l'absence d'empiètement sur la compétence exclusive de l'autorité judiciaire est elle aussi remplie. Si des poursuites ont pu ou pourraient être diligentées contre les auteurs des violences visées par la proposition de résolution, il n'appartient pas à la commission d'enquête de rechercher ces auteurs ni de se livrer à une qualification pénale des faits. Voilà où se situe la frontière de la séparation des pouvoirs, rappelée par le garde des sceaux dans sa lettre du 28 avril adressée à la présidence de l'Assemblée nationale.
Les travaux de la commission d'enquête devront donc veiller à respecter le champ de l'autorité judiciaire. C'est une réserve habituelle : je vous renvoie à l'exemple de la commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le jeudi 3 octobre 2019, dont j'étais le rapporteur, ou celle, plus récente, qui était chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'Arles. Il s'agit, bien évidemment, de deux affaires qui ont été judiciarisées.
Notre rôle consiste aussi à nous prononcer sur l'opportunité d'une telle commission d'enquête. Or cette opportunité a été reconnue par la commission des lois et, eu égard aux événements récents, sa raison d'être n'est pas à discuter.
En France, il est tout à fait normal de manifester, d'exprimer sa position et son désaccord éventuel contre une décision prise par le Gouvernement. Je l'ai déjà dit en commission, et je le répète : un citoyen mécontent n'est ni un ennemi ni un insurgé ; il ne fait qu'exercer son droit constitutionnel de manifester et doit, à ce titre, être compté parmi les acteurs de la démocratie citoyenne et, plus précisément, parmi les acteurs de la démocratie sociale. Aussi, la présente proposition de résolution ne vise ni les manifestants, ni les organisations syndicales qui ont veillé à leur encadrement, ni, bien sûr, les formations politiques qui auraient soutenu ces manifestations. La rédaction de l'article unique, sur lequel nous avons à nous prononcer, ne soulève de ce point de vue aucune forme d'ambiguïté.
En revanche, se munir de hachettes, de mortiers d'artifice, de frondes à billes de plomb ou d'engins incendiaires dans le but d'en découdre avec les forces de l'ordre, notamment, ce n'est pas manifester ; jeter des cocktails Molotov sur des policiers, ce n'est pas manifester ; mettre le feu à des bâtiments publics ou privés, ce n'est pas manifester. Ces violences, qui sont intolérables et parfois irréparables, sont la négation même du droit de manifester. Elles prennent en otage, confisquent et bafouent les intentions paisibles de celles et ceux qui manifestent tout simplement pour défendre leur opinion et auxquels nous devons la protection à laquelle ils peuvent prétendre dans un État de droit.
On cite souvent l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,…