Dans le prolongement du vote qui a eu lieu dans l'hémicycle il y a quelques jours, je salue les groupes Écologiste, La France insoumise, GDR, Rassemblement National et MoDem d'avoir entamé un chemin, que j'espère européen.
C'est avec plaisir que je vous propose aujourd'hui de porter, ensemble, le combat pour une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous au niveau européen. La proposition de résolution européenne (PPRE) qui a été déposée appelle à l'interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie par l'Union européenne.
Mes chers collègues, posons-nous cette simple question : pourquoi devrions-nous continuer à autoriser l'ajout des additifs nitrés E249, E250, E251 et E252 dans la charcuterie européenne ?
Nous savons aujourd'hui que ces substances sont dangereuses pour la santé des consommateurs : le consensus scientifique est clair. Je salue à cette occasion la mémoire du regretté professeur Axel Kahn, généticien et président de la Ligue contre le cancer. Quelques semaines avant sa mort, Axel Kahn m'envoyait un message afin de me dire qu'il fallait continuer ce juste combat. Il écrivait déjà dans son premier rapport de doctorat que « le nitrite dans la charcuterie, ça tue ».
Ce dernier a très tôt alerté sur le caractère cancérogène des additifs nitrés, en s'appuyant sur de multiples et solides preuves scientifiques. Je rappelle que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), rattaché à l'OMS, a classé en 2015 la charcuterie nitrée comme cancérogène pour l'homme. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié, en juillet 2022, un rapport très attendu qui confirme ces résultats : il existe bien une « association positive entre l'exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal ». D'autres études démontrent l'augmentation des risques de cancer du pancréas et de l'intestin, mais aussi d'hypertension artérielle et de diabète de type 2. Il y a donc un consensus scientifique sur la mortalité, que cela soit au niveau national ou européen. Je rappelle également que M. Bernard Vallat, alors président de la Fédération des industriels charcutiers-traiteurs (FICT), a reconnu lors d'une audition à l'Assemblée nationale que le nitrite tuait. Il avait donné le chiffre de 1 200 morts, à l'inverse du professeur Axel Kahn qui parlait de 4 000 et 5 000 morts. Le nitrite tue, cela a été reconnu par les industriels eux-mêmes.
Tout se joue lors de la fabrication de cette charcuterie, de sa cuisson et de son ingestion. Les additifs nitrés se transforment en composés nitrosés, des substances toxiques à l'origine de nombreux cancers constatés. J'attire votre attention sur l'avis scientifique sur les nitrosamines publié fin mars par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur les dangers du nitrite dans la charcuterie. L'agence d'évaluation européenne conclut, sans ambages, que le niveau d'exposition aux nitrosamines dans les aliments constitue un problème de santé publique et un problème sanitaire pour tous les consommateurs européens. Nos concitoyens, surtout les plus fragiles tels que les enfants et les femmes enceintes, sont exposés à des doses supérieures aux valeurs recommandées ! Je vous rappelle que pour un produit cancérogène, il n'y a pas de doses journalières.
Vous reconnaîtrez, chers collègues, l'urgence à agir pour protéger la santé de nos concitoyens. Il n'y plus de place pour le doute ou l'attentisme. Le plan d'action du Gouvernement sur les nitrites nous propose à court de terme de réduire les teneurs maximales autorisées. J'y vois simplement un cap partagé, un horizon qui nous rassemble. Si la vitesse du chemin n'est pas la même, le plan d'action précise bien que l'objectif est d'aboutir à la suppression des additifs nitrés partout « où cela est possible » à moyen et long termes. Ce plan commence par reconnaître que les nitrites dans la charcuterie sont bien mortels, notamment par la formation de cancer colorectaux.
Brillat-Savarin écrivait « la destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent ». Nous avons de bonnes raisons d'espérer en la matière, puisque des milliers de tonnes de charcuterie « sans nitrite, ni nitrate ajoutés » sont d'ores et déjà vendues depuis 2017 dans les rayons de nos supermarchés ainsi que par des centaines d'artisans en Europe. Ne nous y trompons pas, des centaines de millions de tranches sans nitrite sont mangées chaque année sans que cela ne provoque un retour de botulisme et de salmonellose. Nous avons aujourd'hui la preuve que le « sans nitrite » est possible et non dangereux. Cette consommation massive de produits « sans nitrite » met fin aux allégations des lobbyistes sur l'éventuel risque sanitaire des additifs de substitutions.
La France avance et l'Europe s'interroge pour réduire les dangers des additifs nitrés. Ces efforts sont malheureusement insuffisants, alors que l'interdiction de ces substances est inéluctable. C'est le sens du chemin européen que je vous soumets aujourd'hui, qui repose sur trois axes.
D'abord, nous pouvons conforter les connaissances scientifiques actuelles, afin notamment de mieux mesurer l'exposition de l'ensemble des composés nitrosés et leur dangerosité.
Ensuite, nous devons interdire, au niveau européen, l'emploi des additifs nitrés dans la charcuterie. La Commission européenne propose aujourd'hui une trajectoire de réduction des doses qui est moins-disante que le France. Ces disparités réglementaires créent des distorsions de concurrence. L'interdiction européenne est donc une mesure qui nous permettra d'assurer, par le haut, un terrain à jeu égal avec l'ensemble des producteurs européens.
Enfin, il s'agit d'accompagner juridiquement, techniquement et financièrement les fabricants de charcuteries dans leur transition. L'interdiction doit être progressive, je propose un délai de quatre ans, adapté à chaque catégorie de charcuteries.
Pour conclure, je rappellerai que, la France, c'est notamment l'art de bien vivre et de bien manger. Il ne tient qu'à vous de faire valoir ce patrimoine en Europe. Chers collègues, la santé des consommateurs doit être l'un de ces sujets de convergence ! Je vous propose de débuter ce travail ambitieux aujourd'hui, ensemble, au sein de la commission des affaires européennes.