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Intervention de Boris Ravignon

Réunion du mercredi 12 avril 2023 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Boris Ravignon, proposé aux fonctions de président du conseil d’administration de l'Ademe :

J'ai, comme vous, été surpris par la nécessité de renouveler cette audition devant vous. Mon prédécesseur, Arnaud Leroy, ayant démissionné, j'ai d'abord terminé son mandat ; puisqu'un nouveau mandat commence, nous devons respecter nos dispositions constitutionnelles qui imposent une audition par les commissions compétentes des deux chambres. Je suis toutefois heureux de pouvoir revenir devant vous après ces quelques mois d'exercice : j'y vois une forme d'entretien de fin de période d'essai. J'avais par ailleurs exprimé le souhait de pouvoir vous informer régulièrement de l'avancement des travaux de l'Ademe.

Durant ces quatre mois bien remplis, j'ai d'abord respecté les engagements que j'avais pris devant vous et le Sénat. J'ai ainsi démissionné de mon mandat de conseiller régional, et donc de vice-président du conseil régional, pour me rendre plus disponible. J'ai par ailleurs pris mes dispositions pour éviter tout conflit d'intérêts qui aurait pu naître du fait que je préside l'Ademe d'une part, les exécutifs de Charleville-Mézières et d'Ardenne Métropole de l'autre : ainsi, par une délibération du conseil de l'Ademe, je ne connais plus des dossiers relevant de ces deux collectivités à l'Ademe, et symétriquement, la gestion des dossiers de l'Ademe par la ville ou la métropole est confiée à d'autres que moi.

Je suis convaincu de l'intérêt de conserver des mandats locaux pour exercer la présidence d'un opérateur de l'État tel que l'Ademe, afin de garder une connaissance active de la réalité à laquelle sont confrontés les entreprises, les citoyens et les collectivités dans la transition écologique. Toutefois, je souhaitais éviter un cumul des rémunérations. Le cadre prévu par la loi ne m'a pas permis de renoncer entièrement à mes indemnités de maire et de président d'agglomération, mais elles ont été ramenées au seuil minimal fixé par la loi, c'est-à-dire la rémunération perçue par les premiers adjoints ou vice-présidents. Comme je m'y étais engagé, les sommes perçues ont été reversées au centre communal d'action sociale de Charleville-Mézières et à l'association départementale des Restaurants du cœur.

Je suis allé plus loin encore. Lors de ma première audition, vous m'aviez interrogé sur le niveau de rémunération du président de l'Ademe. Je l'avais dit, j'étais moi-même étonné du fait que le président d'un opérateur d'État puisse toucher une rémunération supérieure à celle de ses ministres de tutelle. J'ai donc sollicité et obtenu une baisse de rémunération, afin qu'elle soit inférieure à celle de ces ministres, M. Christophe Béchu, Mme Sylvie Retailleau et Mme Agnès Pannier-Runacher.

Je me suis appliqué à me rendre pleinement disponible pour exercer mon mandat de président de l'Ademe. J'ai engagé un cycle de visites des services et des implantations de l'Ademe. J'ai ainsi rencontré les agents des trois sites centraux d'Angers, de Valbonne et de Montrouge. Je me suis déjà rendu, pour plusieurs jours, dans cinq des dix-sept directions régionales de l'agence, notamment à Mayotte et à La Réunion, territoires qui ont peut-être plus encore que les autres besoin d'être accompagnés dans la transition écologique. Des contacts ont été établis avec les organisations syndicales et je n'ai refusé aucune sollicitation du Parlement, que ce soit dans le cadre de missions d'information, de commissions d'enquête ou d'auditions préalables à l'examen de projets ou de propositions de loi.

En achevant la réorganisation de l'Ademe grâce au recrutement d'une directrice générale déléguée – c'est le fonctionnement habituel de l'Ademe sous les mandats de mes deux prédécesseurs –, j'ai mis l'agence en ordre de marche pour remplir les missions qui lui sont confiées.

Je veux exprimer mon admiration pour la qualité du travail des agents de l'Ademe. Leur expertise est mobilisée par les pouvoirs publics dans le cadre de trois grandes missions.

D'abord, l'Ademe aide les citoyens à prendre conscience de l'importance d'enjeux majeurs – l'économie circulaire, donc le réemploi, la réutilisation, le tri des déchets – en soutenant les collectivités et en diffusant de l'information au grand public. Nous travaillons sur l'affichage environnemental : la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec), prévoit une information du consommateur sur l'impact environnemental des produits alimentaires et textiles qu'il achète. Nous fournissons également au Gouvernement les études qui permettront le déroulement de la concertation sur la consigne.

L'Ademe mène aussi un travail de prospective. Le rapport « Transition(s) 2050 » que vous avez cité a été publié fin 2021 ; nous continuons à l'enrichir et l'actualiser, pour tenir compte par exemple de la flambée des prix de l'énergie. À la demande des pouvoirs publics, l'Ademe participera au débat sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Il importe que ces travaux soient conduits dans la plus grande indépendance, sans aucun parti pris idéologique ni dans un sens ni dans l'autre, afin que la représentation nationale puisse faire les choix énergétiques les plus éclairés pour l'avenir.

Enfin, l'Ademe se veut une agence de solutions pour la transition écologique. Elle accompagne les collectivités grâce aux fonds qui lui sont confiés par les pouvoirs publics, tels que le fonds chaleur renouvelable ou le fonds économie circulaire. Grâce au plan France 2030, nous accompagnons en outre les entreprises dans la décarbonation de l'industrie. Outre les cinquante sites les plus émetteurs, nous cherchons à accompagner le tissu des milliers de PMI françaises qui souhaitent réduire et décarboner leur consommation d'énergie.

Malgré son importance, notre activité à destination des collectivités reste encore méconnue et nécessite d'être amplifiée et partiellement réorientée. Avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'Ademe est le seul organisme de l'État à financer des dépenses de personnels dans les collectivités : sous la forme de contrats d'une durée de trois ans, nous finançons le recrutement de chargés de mission qui travaillent sous l'autorité des élus dans les collectivités pour organiser des politiques publiques, principalement pour créer des réseaux de chaleur ou verdir les sources d'énergie d'un réseau existant. Dans le domaine de l'économie circulaire, également, ces personnels préparent les collectivités au changement des règles relatives aux biodéchets.

Nous finançons au total 780 postes équivalents temps plein (ETP). Nous souhaitons augmenter ce nombre et les réorienter vers de nouvelles collectivités. L'Ademe a jusque-là travaillé avec les collectivités les plus volontaristes ; or, pour massifier la transition écologique, nous devons élargir notre action et apporter ces moyens d'ingénierie à des collectivités qui ont envie d'agir mais n'en ont pas les moyens.

Nous avons déjà une présence territoriale grâce aux directions régionales, qui rassemblent 400 personnes ; mais en augmentant le nombre de personnes qui travaillent auprès des collectivités, nous aiderions celles-ci à mieux s'approprier la transition écologique dans des domaines variés, comme l'énergie, la mobilité ou la biodiversité.

Il me paraît indispensable, pour cela, de renforcer les moyens de l'Ademe. Certes, son plafond d'emplois a été relevé en 2022 ; mais les missions qui nous ont été confiées ont également été élargies de façon très importante. Nous souhaitons donc aborder la question du format de l'agence lors de la prochaine discussion budgétaire : en effet, c'est un établissement public industriel et commercial (Epic), et à ce titre elle ne recrute ni fonctionnaires ni agents publics ; l'Ademe est soumise à un plafond d'emplois ordinairement réservé au contrôle du nombre des fonctionnaires par la direction du budget.

J'en viens au COP qui doit être signé avant la fin d'année pour la période 2024-2028. Il me semble important que ce contrat rapproche les missions, réaffirmées ou réorientées, de l'Ademe des moyens qui lui sont affectés.

Parmi les missions qu'il conviendrait de mettre en avant, figure d'abord la souveraineté économique. L'Ademe a toujours contribué au renforcement de la souveraineté énergétique : lorsque nous agissons pour développer les énergies renouvelables ou pour verdir des réseaux de chaleur, nous substituons au gaz, voire au charbon, la biomasse ou la géothermie produite sur notre territoire. Il conviendrait d'aller plus loin encore en travaillant plus étroitement avec l'industrie. Avec les comités stratégiques de filière, car nous ne pouvons pas agir seul sur ces sujets, nous pourrions faire en sorte que le soutien que nous apportons aux deux filières d'avenir que sont la géothermie et l'éolien flottant, par exemple, se doublent d'orientations de politique industrielle permettant de contribuer à la réindustrialisation de notre nation.

Enfin, les périodes de transition sont souvent source de fragilisation pour les plus modestes. Dans le cadre de sa participation à l'Observatoire national de la précarité énergétique, l'Ademe s'emploie à documenter ces situations dans l'habitat, mais aussi dans les mobilités – certains ménages ne peuvent pas ne pas utiliser leur voiture, ce qui ampute leurs revenus. Cette activité de l'Ademe mérite à mon sens d'être amplifiée.

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