Je souhaiterais partager avec vous quelques convictions simples sur ce sujet essentiel non seulement à cause des jeux Olympiques et Paralympiques, mais parce qu'il touche à l'organisation d'un grand service public que nous voulons tous faire fonctionner au mieux pour ses usagers et pour ses agents. Je me réjouis donc, monsieur le rapporteur, que vous ayez ouvert le débat et vous remercie, malgré les quelques divergences que nous aurons vraisemblablement sur l'interprétation ou sur les modalités de cette mesure, de votre volonté de compromis et de responsabilité.
Il importe tout d'abord de clarifier quelques points, car ce débat a été marqué, délibérément ou non, par une certaine confusion. L'ouverture à la concurrence des lignes de bus n'est pas une petite question, puisqu'elle concerne 19 000 conducteurs et le plus important réseau de France. Ce dernier sera évidemment sollicité à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques, mais son importance dépasse de loin ce moment particulier.
La loi actuelle prévoit bien une ouverture progressive à la concurrence : après les bus, dont il est question aujourd'hui, des dates beaucoup plus lointaines ont été fixées pour les services de tramway et de métro. Nous ne parlons toutefois pas ici de privatisation et, quelles que soient la date et les modalités, il n'est pas question que le service public ne soit plus entre les mains d'une autorité organisatrice – en l'espèce, Île-de-France Mobilités (IdFM), c'est-à-dire la région Île-de-France. C'est bien cela que la France a négocié voilà maintenant plus de quinze ans au niveau européen et que toutes les majorités et tous les gouvernements successifs ont organisé, en plusieurs étapes – après la transposition de 2009, le dispositif a notamment été confirmé et ses modalités précisées en 2013.
Il est important, comme cela se fait pour l'ouverture à la concurrence de certains trains express régionaux ou de certaines grandes lignes, comme la ligne à grande vitesse entre Paris et Lyon, de remettre en jeu à une fréquence relativement régulière l'organisation d'un service public de transport, afin que les modalités, les idées et les pratiques soient aussi ouvertes que possibles et que différents opérateurs puissent y avoir accès. En France, du reste, les opérateurs de ces services sont, dans l'immense majorité des cas, sinon dans la totalité, des acteurs publics ou parapublics. Les candidats des ouvertures à la concurrence s'appellent Transdev ou Keolis et sont rattachés, comme c'est du reste aussi le cas en grande couronne francilienne, à des organismes publics.
Vous posez, monsieur le rapporteur, la question très importante de savoir comment faire fonctionner au mieux le service public après une période qui, pour les Franciliens, les Parisiens et tous ceux qui sont de passage plus ou moins fréquemment à Paris, a été difficile ces derniers mois et le restera sans doute un peu encore.
Nous devons garder à l'esprit trois principes très nets : l'intérêt des usagers, l'intérêt des agents et la clarté des responsabilités. Nous ne parlons pas ici de réorganiser la compétence des transports en Île-de-France. Elle est entre les mains d'une autorité organisatrice, la région Île-de-France, l'État et le législateur étant là pour encadrer l'ouverture à la concurrence.
Dans ce cadre, j'ai déjà dit publiquement que la date du 31 décembre 2024 soulève plusieurs difficultés. La première tient aux jeux Olympiques et Paralympiques : c'est pendant cette période très chargée que vous avez décrite, monsieur le rapporteur, en plein été 2024, qu'il faudrait indiquer aux 19 000 conducteurs de bus parisiens quels seraient au 1er janvier 2025 leur nouvelle affectation et leur nouvel employeur – lequel pourrait en outre être un nouvel opérateur. Tous les entretiens que j'ai eus, notamment avec les agents de la RATP, m'ont convaincu que cela susciterait de l'angoisse, du stress et, potentiellement, de la désorganisation.
Par ailleurs, est-il bon que la bascule vers l'ouverture à la concurrence, quelle qu'en soit la date, se fasse d'un seul coup ? Nous donner un peu plus de temps permettrait de procéder à une ouverture progressive et organisée, aussi apaisée que possible pour les agents et aussi efficace que possible pour les usagers du service public. C'est, me semble-t-il, ce que nous recherchons tous, car l'ouverture à la concurrence n'est pas une finalité, mais une modalité.
Dans cette perspective, une date trop lointaine, comme l'est celle qui figure dans la proposition de loi, risquerait de créer de l'incertitude tant sur le principe même que pour les agents concernés, car on ne saurait plus bien, pendant une longue période de suspension, comment serait organisé le service public du transport à Paris et en petite couronne.
Un délai supplémentaire de deux années me semble être un compromis raisonnable, conservant l'organisation actuelle des responsabilités, l'État et le législateur fixant un cadre et définissant les principes que l'autorité organisatrice serait chargée de mettre en œuvre.
Si donc nous avons à cœur que notre service public en général, et en particulier celui des bus parisiens, fonctionne le mieux possible, soyons pragmatiques et responsables. Essayons de concilier ce principe d'ouverture progressive à la concurrence avec un calendrier raisonnable et une clarification des responsabilités de l'État et des autorités organisatrices. Nous pourrons alors trouver une solution de compromis protectrice et efficace, garante d'un service public qui s'organise au mieux pour ses agents et, surtout, pour ses usagers.