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Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mardi 11 avril 2023 à 21h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu, rapporteur :

Notre collègue Stéphane Mazars et moi-même conduisons depuis quelques mois une mission d'information sur les retombées des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sur le tissu économique et associatif local. Le rapport définitif doit être remis au mois de juin, mais la teneur des premières auditions nous a incités à élaborer un pré-rapport, que nous avons présenté devant la commission des affaires culturelle, compétente pour les questions sportives. Il nous semblait bon en effet de donner l'alerte assez rapidement sur deux points, la sécurité d'une part, et l'organisation des transports de l'autre. Sur ce dernier point, nous avions auditionné M. le ministre délégué chargé des transports et de nombreux acteurs.

Depuis, des choses ont été faites. Le ministre a notamment nommé un coordinateur interministériel pour les transports, ce qui était nécessaire au vu des travaux de notre mission, les différents acteurs ayant tendance à agir chacun dans son couloir respectif.

L'une des propositions que Stéphane Mazars et moi-même avons formulées conjointement dans ce pré-rapport consistait à décaler la date de mise en concurrence des bus parisiens, afin d'éviter une source possible de désorganisation et de conflits au sein de la RATP l'année même de l'organisation des jeux, puisque tout cela devrait avoir lieu dans le courant de l'année 2024.

Nous avons tenté de nous saisir du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, adopté tout à l'heure dans l'hémicycle, pour trouver une solution. Nos amendements ont malheureusement été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, alors que l'adoption de cette loi est nécessaire et urgente pour l'organisation des jeux.

C'est ainsi que nous avons déposé cette proposition de loi, composée d'un article unique. Nous l'avons conçue comme un texte de compromis, au même titre que la préconisation d'un report de la mise en concurrence était un compromis entre deux rapporteurs, l'un de l'opposition, l'autre de la majorité. Mon groupe et moi-même sommes résolument opposés à la mise en concurrence des réseaux de bus, par principe – c'est une position que nous défendons aussi pour d'autres dossiers concernant les transports. Il n'en va pas de même pour Stéphane Mazars. Mais, en responsabilité, nous devions faire abstraction de nos positions respectives pour réussir à décaler la date prévue, qui non seulement rend difficile de réaliser convenablement l'ouverture à la concurrence, mais fait peser un risque sur l'organisation des jeux.

L'article unique de la proposition de loi reprend la suggestion émise dans une première tribune qui avait réussi à réunir la maire de Paris, les syndicats de la RATP et des députés de la majorité qui, malgré leurs divergences de vues sur la mise en concurrence, recommandaient tous d'en décaler la date.

Je tiens par ailleurs à appeler votre attention sur plusieurs points.

Tout d'abord, l'un des atouts de la candidature de Paris à l'organisation des jeux de 2024 était d'être respectueuse des enjeux du développement durable, notamment parce que tous les spectateurs pourraient se rendre aux manifestations en transports collectifs. Une autre particularité de la candidature de Paris 2024 est d'avoir élaboré, pour la première fois dans l'organisation des jeux, une charte sociale associant au comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) les partenaires sociaux, représentés par Geoffroy Roux de Bézieux pour le Medef et Bernard Thibault pour le Bureau international du travail, qui rassemble l'ensemble des organisations de salariés.

Lors du dernier conseil d'administration du Cojop, Bernard Thibault a lancé une mise en garde, insistant pour qu'elle figure au procès-verbal de la séance : compte tenu de l'état d'impréparation de la mise en concurrence et de l'incertitude pesant à la fois sur la direction de la RATP et sur les organisations représentatives des salariés, le fait de ne pas décaler la date de cette mise en concurrence risquait de provoquer de sérieuses difficultés.

Par ailleurs, l'organisation des transports parisiens, qu'il s'agisse des bus, du métro, du RER ou du tramway, est dégradée depuis plusieurs mois, notamment depuis la crise du covid-19. Le nouveau président de la RATP, Jean Castex, s'efforce de rattraper ce retard. Il faut embaucher et former 6 000 agents pour rétablir ce que devrait être le trafic normal de la RATP en Île-de-France. Or, durant les jeux Olympiques et Paralympiques, le défi ne consistera pas à assurer un trafic normal mais à faire face à une fréquentation supérieure de 15 % à la normale, et cela en plein mois d'août, mois généralement allégé. C'est là un immense défi pour les transporteurs : 500 000 spectateurs emprunteront chaque jour les transports en commun durant cette période, soit 13 à 15 millions de personnes supplémentaires en plein mois d'août, ce qui nécessite un immense effort d'organisation et de mobilisation volontaire pour que les salariés soient massivement présents.

Quel est l'état du droit ? Une directive européenne de 2007 a été transposée dans la loi française en 2009, et même sur-transposée – une erreur que nous commettons souvent : nous fixons des délais trop courts ou des mesures excédant celles que nous imposent les directives ; c'est l'occasion d'y réfléchir. Cette directive nous laissait trente ans pour ouvrir à la concurrence les réseaux des bus, soit jusqu'en 2039. La date d'ouverture à la concurrence a été fixée au 31 décembre 2024 et nous proposons de surseoir à cette mesure jusqu'à 2028. Ce délai de quatre ans assurerait une meilleure visibilité pour recruter, former et négocier. En effet, certaines données nous manquent encore, car les décrets précisant les conditions d'ouverture à la concurrence ne sont toujours pas pris, notamment pour ce qui concerne ces points essentiels que sont la gestion des personnels et les conditions de leur éventuel transfert.

Ultime argument, cette date raisonnable de 2028 présente en outre l'avantage d'être postérieure aux élections régionales. En effet, la région est l'autorité organisatrice en matière de transports. La mise en concurrence des lignes de bus dans le cœur de l'agglomération parisienne n'ayant jamais fait l'objet d'un débat public, il n'est pas anormal, en particulier dans un contexte de crise politique, sinon démocratique, de pouvoir débattre de ces enjeux à l'occasion desdites élections.

Nous vous présentons donc une proposition de loi de compromis et de responsabilité, car nous devons tous conjuguer nos efforts pour organiser au mieux les jeux Olympiques et Paralympiques. Il s'agit aussi d'une loi d'anticipation.

Je rappellerai enfin, pour répondre aux dernières interrogations, que le report de 2016 à fin 2020 de l'ouverture à la concurrence du réseau Optile, qui opère dans la grande couronne parisienne, n'a pas porté préjudice à cette opération.

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