Je vais répondre à vos nombreuses questions, puis je vous transmettrai un complément écrit.
La santé des professionnels de santé, particulièrement des femmes, puisqu'elles sont majoritaires dans le système de santé, est un enjeu majeur. La mission dont j'ai parlé est chargée d'objectiver les problématiques de santé, notamment dans le milieu libéral – elles sont beaucoup mieux documentées en établissement, grâce à la médecine du travail et à la réflexion sur la qualité de vie au travail (QVT). Le questionnaire que nous venons de diffuser a déjà reçu plus de 8 500 réponses. Cela confirme que l'enjeu est de taille et concerne tous les professionnels de santé. Nous vous transmettrons le lien vers ce questionnaire, afin que vous le diffusiez aux professionnels que vous connaissez. Plus la question sera documentée, plus nous pourrons lui apporter des réponses.
En réponse à l'appel à manifestation d'intérêt que nous avons lancé avec la fondation MNH et la Drees, nous avons reçu onze projets sérieux et intéressants. Il a fallu en sélectionner quatre, d'une durée de deux ans. Le premier concernera la grossesse, la santé des femmes et le travail. La prévalence du cancer chez les femmes, notamment celles qui travaillent de nuit, sera également étudiée. Parmi les trois professionnels qui nous accompagnent, il y a une femme médecin à Marseille et un aide-soignant devenu cadre et militaire – il suivra le sujet au cordeau !
Vous me demandez si la santé mentale est une priorité. La réponse est évidemment affirmative, a fortiori depuis la crise sanitaire : nous savons l'incidence qu'a eue cette dernière sur le système de santé et sur nombre de nos concitoyens, notamment les jeunes. Concernant les plus jeunes, en particulier les jeunes filles, les chiffres sortis en novembre dernier font froid dans le dos : les tentatives d'autolyse ont plus que doublé chez les filles âgées de 10 à 12 ans. Cela nous incite à aller encore plus vite en matière de prévention.
Longtemps, la psychiatrie n'a pas bénéficié de la même considération que les autres professions médicales. En décembre 2017, Agnès Buzyn en avait fait l'une de ses priorités et nommé un délégué interministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, M. Bellivier. Celui-ci a développé des réflexions sur des schémas d'organisation territoriale en psychiatrie. C'est un véritable enjeu, que nous souhaitons prendre à bras-le-corps. La première réponse après la crise sanitaire a été la création du dispositif MonPsy, devenu MonParcoursPsy. Il a été fortement débattu, mais nous voyons son intérêt puisque plus de 90 000 consultations ont été effectuées dans ce cadre. La difficulté est d'augmenter le nombre de tous les professionnels de santé et d'inciter les jeunes étudiants à choisir cette spécialité. La résoudre implique de renforcer l'attractivité des métiers, notamment celui de psychiatre, à l'hôpital comme en ville, la pédopsychiatrie représentant un enjeu particulier.
Concernant l'accompagnement périnatal, 16,7 % des femmes qui ont accouché en mars 2021 ont présenté des signes de dépression post-partum deux mois après l'accouchement. Cela a également été le cas de près de 10 % des pères. Le suicide constitue la deuxième cause de mortalité maternelle dans l'année qui suit la naissance. Pour mieux accompagner les jeunes parents durant cette période potentiellement marquée par des bouleversements psychiques, le chantier interministériel des 1 000 premiers jours de l'enfant, lancé par Adrien Taquet, a permis d'instaurer un entretien prénatal précoce (EPP), et un entretien postnatal.
Depuis le 1er mai 2020, un nouveau temps fort de l'accompagnement prénatal des mères a été ancré dans le parcours périnatal grâce à la généralisation de l'EPP, devenu obligatoire à l'instar des sept consultations prénatales. Il s'agit d'un temps privilégié d'échange et d'écoute, au début d'un parcours périnatal, entre la femme enceinte ou le couple et un professionnel de santé – médecin ou sage-femme. Dans une logique de prévention, cet entretien prend en compte la dimension psychologique et émotionnelle, ainsi que l'environnement social de la grossesse, pour repérer les besoins d'accompagnement des parents avant l'accueil de l'enfant. Il offre également un soutien précoce à la parentalité avant la naissance, constituant aussi un outil de prévention de la dépression du post-partum et des troubles de la relation parent-enfant. En 2021, 60 % des femmes en ont bénéficié au cours de leur grossesse, soit 423 512 femmes.
Depuis le 1er juillet 2022, l'entretien postnatal est également devenu une étape obligatoire du parcours de soins des femmes en post-partum. Il est effectué par un médecin ou une sage-femme entre la quatrième et la huitième semaine suivant l'accouchement. Il a pour objet de repérer les premiers signes ou les facteurs de risque de dépression du post-partum. Au 31 décembre 2022, 26 400 femmes en avaient bénéficié. Il faudra en évaluer le bénéfice à plus long terme, mais nous n'avons aucun doute quant à son intérêt.S'agissant de la formation des professionnels de santé, nous avons supprimé le numerus clausus et augmenté le nombre de médecins formés de 10 à 15 % par an. Mais il faudra entre huit et dix ans pour que la loi que nous avons votée porte ses fruits – en espérant que les jeunes choisissent la psychiatrie.