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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques :

Les recettes de la CSPE et de la subvention aux énergies renouvelables en comptabilité nationale sont évaluées à 4,3 milliards. Celles de la nouvelle contribution sur la rente inframarginale sont estimées à 12,3 milliards pour 2023.

La Cour vous soumettra des propositions pour élargir la part des dépenses cotées, comme l'analyse des subventions versées aux opérateurs de l'État ou encore la réintégration de dépenses exclues du périmètre actuel, telles que les aides liées aux tarifs de l'essence. À mon sens, la méthode de cotation rencontrera toujours des limites. Pour progresser dans cette voie, nous devrons envisager des moyens complémentaires pour suivre l'impact environnemental du budget de l'État.

La part de la TVA affectée à la sécurité sociale s'élevait à 6 % en 2010 et à 28 % en 2022, soit un peu plus de 57 milliards d'euros. Alors qu'aucune part n'était allouée aux collectivités territoriales en 2010, elle était de 3 % en 2018 contre 20 % en 2022, soit un peu plus de 40 milliards. Les recettes de TVA totales atteignent 202,5 milliards, dont un peu plus de 104 milliards sont affectés au budget de l'État – soit un peu plus de 50 %. Comme je vous l'ai précédemment indiqué, la TVA est un impôt de rendement peu efficace en matière de politique économique. Si cet impôt a l'avantage d'être dynamique et d'offrir des recettes stables à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales, il a le défaut d'engendrer une perte d'autonomie incontestable. M. Guiraud, je suis peu convaincu par vos arguments : ces affectations de TVA rendent peu crédible l'idée que ces dépenses n'auraient pas de finalité sociale. Quand bien même on suivrait votre raisonnement et que l'on cessait d'affecter la TVA à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales, où trouverez-vous 100 milliards d'euros pour les financer ? En revanche, le Conseil des prélèvements obligatoires reconnaît qu'il est préoccupant que seuls 50 % de la TVA soient affectés à l'État et qu'une part significative des recettes des collectivités territoriales proviennent de son rendement.

Les OATi représentent entre 10 et 12 % de la dette française. Elles peuvent être nécessaires dans certains cas, et opportunes dans d'autres : en effet, lorsque cette politique a été lancée, l'inflation était systématiquement plus faible que la norme. Ce mécanisme s'est révélé vertueux dans une période où les taux d'intérêt étaient faibles. La dernière étude sur l'indexation date de 2006. Il serait nécessaire de procéder à une réévaluation. Dans un contexte d'inflation, ce dispositif est en effet coûteux, et cet impact pourrait se poursuivre au delà de cette année. Il me semble que nous pouvons compter sur l'AFT pour tenir compte de ces évolutions.

Le 1er janvier 2024 signera la fin des clauses dérogatoires générales au niveau européen. Les règles suspendues pendant la crise covid devront de nouveau être suivies. Elles s'appliqueront aux résultats du déficit 2023. La levée de la clause dérogatoire n'implique pas systématiquement la levée de la clause de circonstances exceptionnelles, mais les éléments qui la fondaient disparaîtront pour l'essentiel. Nous recommandons donc de prévoir les modalités de levée de cette clause. J'ajoute qu'une réforme de ces règles, avant la levée de la clause dérogatoire, me paraît indispensable. Sans cela, le choc serait brutal, l'impact contracyclique fort et la visibilité peu garantie. Nombre de pays de la zone euro – dont la France – se retrouveraient dans une situation de déficit exceptionnel.

La taxation au tonnage des entreprises de transport maritime date d'une vingtaine d'années. La plupart des pays de l'Union européenne dotés d'une flotte maritime en disposent. La Cour n'a pas mené d'étude spécifique sur ce sujet – pas davantage que sur les investissements liés à la transition écologique.

Mme Louwagie, vous m'avez interrogé sur les lois de programmation sectorielle. Il me semble nécessaire d'adopter une réflexion plus globale : la LPFP me paraît d'abord nécessaire pour donner un cadre d'ensemble. Les lois de programmation sectorielles ne supposent pas toujours une forte augmentation de la dépense, mais impliquent une revue de la dépense publique. À ce titre, je vous rappelle que la revue de dépenses publiques n'est pas un instrument budgétaire, mais qu'elle porte d'abord sur la qualité de la dépense et de la politique publique – même s'il peut en découler des économies ou une moindre dépense. Alors que les dépenses publiques représentent 58 % du PIB, a-t-on réellement le sentiment que la qualité du service public en France est à son plus haut niveau ? C'est pourtant à partir de ce critère de qualité – et non du montant de la dépense – qu'il faut développer la réflexion pour impulser des politiques publiques plus justes et plus efficaces – et pas nécessairement plus coûteuses.

Le HCFP – qui, je le rappelle, est une organisation pluraliste à tous égards – n'a pas précisé quelles dépenses programmées il conviendrait de diminuer. Nous proposons seulement une analyse macroéconomique.

Vous m'avez demandé si la baisse des prélèvements obligatoires était compatible avec la volonté de redynamiser l'économie. La dette publique exerce un effet d'éviction sur l'investissement, donc sa diminution est aussi un levier de relance économique. Par ailleurs, à prélèvements obligatoires constants, la structure de ces derniers peut être plus favorable à l'économie. Je pense notamment aux niches fiscales. Cependant, la phrase que vous avez relevée dans le rapport s'explique par le fait que nous pensons que la hausse du déficit structurel et de l'endettement représente un risque pour la soutenabilité à long terme. Pour y répondre, nous devons d'abord maîtriser la dépense ; par ailleurs, nous pensons que la situation macroéconomique ne nous permet plus d'opérer des baisses de prélèvements obligatoires non compensées.

Enfin, M. Jolivet, s'agissant de la valeur du patrimoine immobilier, les 41 milliards sont inscrits sur la base des bâtiments pour habitation avec bureaux. Il s'agit de leur valeur vénale, mais la Cour constate dans son observation que l'inventaire est douteux et que les valorisations sont contestables. Si nous n'émettons pas de réserve, nous notons une insuffisance d'éléments probants.

Je ne peux répondre aux autres questions qui m'ont été posées, car elles me conduiraient à entrer dans un débat politique auquel je ne peux me mêler, en tant que président d'une institution indépendante et impartiale.

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