Je me réjouis de vous retrouver pour vous présenter les rapports sur l'exécution du budget de l'État (RBDE) et la certification des comptes de l'État pour 2022 qui ont été joints au projet de loi de règlement, ainsi que l'avis du HCFP sur ce projet de loi.
La publication de ces rapports est un moment très important pour la Cour des comptes et pour ses magistrats que je sais particulièrement attachés à notre mission d'assistance au Parlement dans le contrôle de l'exécution budgétaire.
Si la publication de ces rapports est récurrente, elle porte cette année un constat plus inquiétant. En effet, de crise en crise et plus d'un an après le retour de la guerre en Europe, la situation économique est caractérisée par une inflation plus résistante que nous ne l'attendions et par des perspectives de croissance amoindries.
L'année 2022 a été marquée par une nouvelle augmentation des dépenses de l'État, qui s'explique par la crise énergétique et l'inflation, mais aussi par l'augmentation de la dépense ordinaire de l'État et celle, très marquée, de la charge d'intérêt de la dette – ce qui fait du désendettement un impératif catégorique pour nous tous. En outre, si l'année 2022 se caractérise également par une croissance exceptionnelle des recettes, celles-ci ont été principalement affectées au financement des nouvelles dépenses.
Le déficit du budget de l'État se maintient en conséquence à un niveau élevé en 2022. Outre cet effet de cliquet, l'analyse de l'année 2022 met en évidence plusieurs risques budgétaires pour l'avenir.
Tout endettement supplémentaire réduit d'autant nos marges de manœuvre pour investir dans l'éducation, la santé, la préservation de notre environnement ainsi que l'ensemble des domaines couverts par les lois de programmation sectorielles. Comme Premier président de la Cour des comptes, je considère que notre institution a pour rôle de proposer des solutions pour garantir une meilleure qualité de la dépense, mais aussi le financement de dépenses nécessaires et efficaces pour l'avenir.
Dans la perspective du printemps de l'évaluation, moment important de contrôle parlementaire préalable à l'élaboration d'une nouvelle loi de finances pour 2024, la Cour a décidé de contribuer, à sa place et en toute indépendance, à l'exercice de revue des dépenses initié par le Gouvernement, en mettant l'accent sur la qualité de la dépense, son utilité, sa valeur ajoutée, son efficacité, son coût et sa cohérence avec les autres outils de l'action publique.
Je rappelle aussi devant vous que la Cour se tient à votre disposition pour vous épauler dans votre mission de contrôle du Gouvernement. L'analyse de l'exécution budgétaire est essentielle pour tirer collectivement les conclusions de l'action publique et pour améliorer la gestion publique. Il en va de notre responsabilité collective, devant les citoyens et devant les générations futures.
Le premier message du RBDE est celui d'un déficit toujours élevé, d'une progression continue de l'endettement et d'une forte hausse de la charge de la dette. En 2022, le déficit du budget de l'État s'est établi à 151,4 milliards d'euros, en légère baisse par rapport à 2021, où il avait atteint plus de 170 milliards d'euros. Malgré cette baisse, le déficit se maintient à un niveau très élevé par rapport aux années antérieures. Il était, à titre de comparaison, de 92,7 milliards d'euros en 2019.
Je rappelle que le solde de l'ensemble des comptes publics – non seulement de l'État, mais aussi de ses opérateurs, des administrations de sécurité sociale et des collectivités territoriales et de leurs opérateurs – représente encore un déficit de 4,7 points de PIB en 2022 contre 6,5 points l'année précédente. Quant au solde structurel – qui se déduit du solde effectif en neutralisant les effets de la conjoncture ainsi que les mesures ponctuelles et temporaires –, il s'élève à 3,4 points de PIB potentiel. Même s'il s'est nettement réduit par rapport à 2021 – où il atteignait 4,4 points de PIB potentiel du fait principalement d'une croissance des prélèvements obligatoires beaucoup plus rapide que celle de l'activité –, une nette réduction de ce déficit structurel est encore indispensable pour réduire l'exposition de la France à un risque d'insoutenabilité de sa dette.
En effet, l'évaluation du déficit structurel présentée par le Gouvernement pour 2022 est supérieure de 2,6 points à la prévision retenue dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022. Cet écart est très nettement supérieur à 0,5 point de PIB, ce qui justifierait le déclenchement du mécanisme de correction si la clause de circonstances exceptionnelles ne s'appliquait pas. Je rappelle que la Commission européenne a d'ores et déjà proposé de lever au 1er janvier 2024 la clause dérogatoire générale au cadre budgétaire européen. Le HCFP invite par conséquent le Gouvernement à préciser rapidement les conditions de levée de la clause de circonstances exceptionnelles ainsi que le calendrier envisagé.
L'institution d'un mécanisme de correction opérationnel par rapport à la trajectoire est un élément important de la crédibilité d'une politique de finances publiques. Toutefois, cela suppose qu'une nouvelle loi de programmation soit adoptée. Son absence ferait peser un risque juridique sérieux sur la loi de règlement pour 2023.
En conséquence du niveau élevé de son déficit, la dette à moyen et long termes de l'État a continué sa progression. Le volume de dette a augmenté de 24 % en trois ans, passant de 1 823 milliards d'euros fin 2019 à 2 278 milliards d'euros fin 2022. Le besoin de financement demeure élevé : 280 milliards d'euros en 2022 contre 285 milliards d'euros en 202. Il est supérieur de 60 milliards d'euros à celui de 2019.
Dans un contexte où à cet endettement élevé s'ajoute une forte inflation et une augmentation significative des taux d'intérêt, la charge de la dette constitue un point d'attention essentiel. Une première augmentation de la charge de la dette avait été observée en 2021, mais elle s'était limitée à 2 milliards d'euros. 2022 marque une rupture très nette puisque la charge de la dette a progressé de 13,2 milliards d'euros pour atteindre 50,7 milliards d'euros, soit une augmentation annuelle de 35 %. Cette augmentation n'avait d'ailleurs pas été anticipée par la loi de finances 2022, qui prévoyait une charge de 38,7 milliards d'euros.
Le principal facteur de hausse n'est cependant pas à ce stade la hausse des taux, dont les effets ne se font pas encore sentir sur le stock de dette, mais l'inflation, qui s'est traduite par une augmentation de 11,9 milliards d'euros de la provision pour charge d'indexation des titres indexés sur l'inflation. Or, on peut redouter le maintien de l'inflation à un niveau plus élevé qu'attendu. Le service de la dette est redevenu le deuxième poste budgétaire de l'État, alors qu'il s'agit de la dépense publique la plus inutile et improductive qui soit.
Afin de limiter l'accroissement de la charge de la dette dans le contexte de reprise de l'inflation, la Cour recommande d'actualiser rapidement la doctrine sur les conditions des émissions de titres indexés. La hausse des taux, si elle devait être durable, pourrait cependant exercer à long terme une pression bien supérieure à celle de l'inflation sur la charge de la dette et donc sur nos marges de manœuvre budgétaires. L'impact de la remontée des taux d'intérêt sera appelé à peser davantage à partir de l'exercice 2023 et s'amplifiera à mesure que se renouvelle le « stock » de titres de dette. Un ordre de grandeur à l'appui : l'Agence France Trésor (AFT) estime qu'une hausse de 100 points de base des taux d'intérêt renchérit la charge d'intérêts de 2,5 milliards d'euros la première année, 6,1 milliards d'euros la deuxième année et 29,5 milliards d'euros à l'horizon de dix ans. L'impact serait considérable et limiterait drastiquement les marges de manœuvre.
Le second message du rapport est celui du dynamisme des recettes, qui, en raison d'une forte progression des dépenses, n'a pas permis de réduire le déficit.
D'une part, l'année 2022 a donc été marquée par un fort dynamisme des recettes de l'État. Après une année 2021 déjà exceptionnelle, les recettes du budget général ont progressé de 32,3 milliards d'euros en 2022. Cette progression s'explique par la forte augmentation spontanée des recettes fiscales, qui ont crû de 27,5 milliards d'euros pour atteindre 323 milliards d'euros, soit leur plus haut niveau historique. Cette croissance a notamment été tirée par la hausse du rendement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA. Elle est d'autant plus notable que le rendement de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) a baissé de 4,9 milliards d'euros dans le cadre de la mise en place du bouclier tarifaire et qu'un transfert supplémentaire de TVA de 3,6 milliards d'euros a été opéré au bénéfice de l'audiovisuel public, pour compenser la suppression de la contribution qui lui était affectée.
Comme lors des deux exercices précédents, le rapport fait apparaître un enjeu d'amélioration des prévisions fiscales et de meilleure information sur les facteurs d'évolution des recettes dans les documents budgétaires. L'écart positif des recettes observé entre l'exécution et la dernière estimation de la loi de finances rectificative de fin d'année est en effet substantiel, de l'ordre de 7,5 milliards d'euros.
La Cour recommande, à cet égard, de fournir de manière précise dans les documents budgétaires, à l'occasion des lois de finances rectificatives, les éléments justifiant pour chacun des grands impôts les nouvelles estimations de recettes fiscales et l'origine des écarts avec les prévisions de la loi de finances initiale.
D'autre part, l'année 2022 a été marquée par une nouvelle augmentation des dépenses de l'État, malgré le net reflux des dépenses d'urgence sanitaire et de relance. Comme je l'ai annoncé en début d'année, la Cour fait le constat sans appel que la France n'est pas réellement sortie du « quoi qu'il en coûte », créant une situation anormale de dépendance à la dépense. J'attire votre attention sur le fait que les dépenses du budget général ont augmenté de 33 % entre 2019 et 2022.
L'année 2022 s'est en effet caractérisée sur le plan économique par un choc inflationniste et par les conséquences de la guerre en Ukraine, qui ont conduit le Gouvernement à adapter en cours d'année la programmation budgétaire de la loi de finances initiale. Ainsi, malgré la baisse de 47,3 milliards d'euros des dépenses d'urgence sanitaire et de relance, les dépenses du budget général de l'État ont progressé de 19 milliards d'euros en 2022. Hors urgence et relance, l'augmentation est donc de 66,3 milliards d'euros, dont 12 milliards d'euros pour les mesures relatives à l'énergie et à l'inflation, 10,5 milliards d'euros de dotations en vue de la renationalisation intégrale d'EDF et 13,2 milliards d'euros de charge d'intérêt de la dette. Les autres dépenses augmentent de près de 31 milliards d'euros par rapport à 2021, sans que des circonstances exceptionnelles puissent l'expliquer. Cette hausse s'explique donc par l'augmentation de la dépense ordinaire de l'État.
Je souhaitais également m'arrêter sur la hausse des dépenses de personnel malgré une baisse notable des effectifs, piste de réponse à un enjeu réel d'attractivité de la fonction publique dans un contexte de tensions sur le marché du travail. En effet, les effectifs de l'État diminuent de 5 765 ETPT en 2022 plus fortement qu'en 2021, où cette baisse s'établissait à 3 750 ETP, alors que la loi de finances pour 2022 prévoyait la création de 850 postes. Ces diminutions se concentrent surtout sur les ministères de l'éducation, de l'économie, des armées et de la transition écologique. Elles sont également liées aux difficultés de recrutement aux concours. En dépit de cette situation, les dépenses de personnel atteignent 138,8 milliards d'euros, dont 94,5 milliards d'euros de rémunérations et 44,4 milliards d'euros de contributions au compte d'affectation spéciale Pensions. L'augmentation des seules rémunérations atteint donc 3,7 %, sous l'effet de mesures générales, comme la revalorisation du point d'indice – 1,4 milliard d'euros en 2022, soit + 2,8 milliards d'euros en année pleine –, et catégorielles – 1 milliard d'euros, dont 500 millions d'euros pour les personnels de l'éducation.
Enfin, le coût des dépenses fiscales connaît une augmentation de 4,6 milliards d'euros en 2022, pour atteindre un total de 94,2 milliards d'euros, principalement sous l'effet de la forte hausse du coût du régime de taxation forfaitaire au tonnage des entreprises de transport maritime.
La maîtrise des dépenses fiscales constitue donc un élément essentiel du pilotage budgétaire. À ce titre, la Cour constate à nouveau le caractère inopérant des mécanismes destinés à stabiliser le nombre de ces dépenses fiscales – 465 mesures recensées en projet de loi finances pour 2023 –, leur coût et la non-réalisation du programme d'évaluation de leur efficacité prévu en loi de finances pour 2020, seules trois d'entre elles ayant été menées à bien en trois ans.
En troisième lieu, je souhaite attirer votre attention sur deux messages relatifs au contenu des lois de finances, qui me paraissent essentiels au regard de l'importance et de la portée de l'autorisation parlementaire en loi de finances dans notre démocratie.
D'une part, le rapport met en lumière la poursuite du cycle de sous-consommation et de reports de crédits. Ce cycle, initié en 2020 et poursuivi en 2021, porte une atteinte préoccupante aux principes d'annualité et de spécialité budgétaires.
Dans le contexte de la crise sanitaire puis énergétique, le Gouvernement a inscrit en lois de finances initiale et rectificative des enveloppes de crédits larges, allant au-delà des besoins prévisibles. Cette situation a conduit à une sous-consommation de crédits de 24,6 milliards d'euros en 2022, d'un même montant qu'en 2021, après 37,5 milliards d'euros en 2020.
Ces crédits, au lieu d'être annulés, ont été en grande partie reportés sur l'exercice suivant. Les reports ont atteint 36,7 milliards d'euros en 2020, 23,2 milliards d'euros en 2021 et s'élèvent à 18,7 milliards d'euros en 2022, soit des niveaux très supérieurs à ceux constatés précédemment. Ces pratiques sont de nature à affaiblir la portée de l'autorisation parlementaire et à réduire la lisibilité des lois de finances. D'une part, en effet, elles portent atteinte au principe d'annualité du budget. D'autre part, des interrogations existent sur le respect du principe de spécialité budgétaire dans la mesure où les redéploiements massifs permis par les reports, les enveloppes globales et les décrets d'avance sont susceptibles de bénéficier à d'autres politiques publiques que celles qui avaient justifié leur autorisation initiale.
Ces reports soulèvent un problème majeur de qualité de la dépense, mais aussi de transparence et d'acceptabilité de celle-ci. La Cour recommande donc de n'ouvrir en lois de finances initiale et rectificative que les crédits nécessaires à l'exercice en cours. Elle recommande également de limiter strictement les reports de crédits sur l'exercice suivant. Le rapport recommande, enfin, d'apurer les autorisations d'engagement affectées à des opérations d'investissement devenues sans objet.
D'autre part, le rapport fait un retour très intéressant sur la notion de « budget vert ». Depuis 2020, le Gouvernement publie une annexe au PLF portant sur l'impact environnemental du budget de l'État, dont une partie est communément appelée « budget vert » et qui revient à une démarche de cotation. Cet exercice constitue une avancée importante, que je salue. Pour autant, la Cour estime que le budget vert connaît plusieurs limites et doit encore progresser. Sa principale faiblesse a trait à ses résultats modestes en matière de cotation : 10 % des dépenses seulement sont cotées favorables ou défavorables. Les autres sont dites neutres ou ne sont pas cotées. De plus, la démarche ne permet pas, à l'heure actuelle, de rapprocher les cotations des crédits inscrits en PLF de leur exécution, ce qui en affaiblit la portée. La Cour publiera prochainement un travail plus complet et approfondi sur le budget vert, avec des recommandations opérationnelles.
Enfin, le rapport identifie de nouveau la complexification croissante des relations financières entre l'État et les autres administrations publiques à la faveur de la crise sanitaire. Le montant total transféré par l'État aux collectivités a atteint 143,1 milliards d'euros en 2022, soit + 2,4 % en 2022, après + 22,1 % en 2021, notamment sous l'effet des nouvelles affectations de fractions de TVA en compensation des réformes fiscales récentes, comme la suppression de la taxe d'habitation ou la baisse des impôts de production. Comme la Cour l'a rappelé dans son rapport public annuel 2023, le financement prépondérant des collectivités par la voie d'affectation d'impôts et de prélèvements sur recettes – 93,4 % du total en 2022 – offre à ces collectivités des ressources dynamiques, notamment la TVA, mais limite les possibilités de régulation budgétaire.
De même, la TVA devient une ressource déterminante de la protection sociale, laquelle n'est plus financée par des cotisations que pour la moitié de ses recettes. La TVA représente ainsi 60 % des 95 milliards d'euros d'impôts et taxes affectés à la protection sociale. Par ailleurs, le budget général de l'État finance également des prestations sociales versées par les caisses d'allocations familiales pour un montant de 41,9 milliards d'euros en 2022, soit une croissance de 22 % depuis 2018. Dans un objectif de lisibilité et de consentement à l'impôt, ces circuits financiers doivent impérativement être clarifiés rapidement.
Pour finir, l'analyse de l'exécution du budget pour 2022 met en lumière trois grands risques susceptibles d'affecter la soutenabilité des finances publiques au cours du prochain exercice.
Premièrement, le montant des reports de crédits sur l'exercice 2023 reste important et l'exécution du budget 2022 se traduit par des restes à payer d'un montant très significatif. Les reports de crédits non consommés de 2022 sur l'exercice 2023 s'élèvent ainsi à 8,3 milliards d'euros hors fonds de concours et attributions de produits contre une moyenne de 1 à 2 milliards d'euros sur la décennie précédente. En particulier, 5,2 milliards d'euros de crédits non consommés sur la mission Économie ont été reportés en lien avec la sous-consommation forte sur cette mission. Ces reports concernent 40 programmes contre une moyenne de 24 entre 2015 et 2020. Or, ce nombre important d'exemptions ne peut plus se justifier, comme les deux années passées, par l'incertitude découlant de la crise sanitaire.
Les restes à payer atteignent, par ailleurs, 214 milliards d'euros fin 2022, contre 178 milliards d'euros à la fin de l'exercice précédent. Cette augmentation est en grande partie imputable à la faible consommation d'autorisations d'engagement au titre du plan France 2030, qui a atteint 26,6 milliards d'euros.
Deuxièmement, les lois de programmation sectorielles, au nombre de cinq, rigidifient fortement la dépense. Elles représenteront en effet 20 % du budget en 2023. Je vous renvoie plus spécifiquement à l'avis du HCFP sur la loi de programmation militaire que je vous ai présenté et qui pose très clairement cette limite : les lois de programmation contraignent fortement les autres dépenses du budget de l'État.
Si le développement d'instruments permettant une vision pluriannuelle des dépenses constitue une démarche utile, il devrait avoir pour corollaire celui des outils de suivi et d'évaluation afin de s'assurer que les enveloppes prévues sont conformes aux besoins, produisent les résultats attendus et ne sont pas au détriment d'autres dépenses utiles. Il soulève donc la question de la priorisation de la dépense.
Enfin, la hausse des taux d'intérêt commencera en 2023 à produire ses effets sur la charge de la dette, alors que les effets de l'inflation se poursuivront. C'est un risque majeur, qu'il faudra intégrer dans les prévisions des lois de finances futures.
Je conclus sur la certification du compte général de l'État pour 2022. En premier lieu, je souhaite souligner, pour le regretter, que pour la première fois depuis que la Cour certifie les comptes de l'État, les comptes de l'exercice 2021 n'ont pas été approuvés par le Parlement avant la présentation des comptes de l'exercice sous revue. Même si l'administration a trouvé une solution comptable pour présenter le résultat 2021 qui n'a pas pu être affecté à ce jour, ce n'est pas une bonne pratique.
En deuxième lieu, la Cour a constaté un certain progrès dans la qualité des comptes, puisqu'elle ne relève plus désormais que quatre anomalies significatives, contre cinq pour 2021. Cela mérite d'être souligné.
La levée de ces anomalies, qui portent sur des points de principe, ne nécessiterait pas d'importants travaux préparatoires et la présentation de comptes de l'État sans anomalies significatives est donc aujourd'hui à la portée de l'administration. Ce serait une grande nouveauté par rapport à la situation prévalant depuis 2006, date de la première présentation d'un compte général de l'État.
Pour autant, le nombre d'insuffisances d'éléments probants a augmenté cette année : treize contre dix en 2021. Ces observations correspondent à des situations dans lesquelles la Cour n'est pas en mesure de se prononcer au vu de l'information apportée par l'administration. Il s'agit par exemple du montant des engagements de retraite des fonctionnaires, des charges relatives aux boucliers tarifaires déployés en 2022, ou de la valeur du patrimoine immobilier de l'État.
En troisième lieu, les comptes de l'État, qui, je le rappelle, appliquent pour l'essentiel les principes de la comptabilité d'entreprise, apportent des enseignements complémentaires intéressants par rapport à la comptabilité budgétaire, du fait qu'ils sont basés sur les droits et obligations de l'État et non seulement sur les flux de trésorerie.
Ainsi, alors que le déficit de l'État s'est amélioré de 19 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, il s'est dégradé au contraire de 19 milliards d'euros en comptabilité générale, pour atteindre – 160 milliards d'euros.
Les charges de fonctionnement de l'État sont en forte hausse en 2022, progressant de 9,1 %, alors que les charges d'intervention sont restées stables, augmentant de 0,7 %, ce qui fait écho à l'augmentation des dépenses ordinaires que j'évoquais précédemment.
Quant au bilan de l'État, il fait ressortir au 31 décembre 2022 une insuffisance d'actif de 1 758 milliards d'euros, les dettes de l'État étant supérieures à ses actifs, et un endettement financier net de 2 519 milliards d'euros contre 2 368 milliards d'euros un an plus tôt, soit une augmentation de 151 milliards d'euros.
Enfin, les engagements hors bilan sont supérieurs à 4 000 milliards d'euros au 31 décembre 2022, dont 1 613 milliards d'euros au titre des engagements de retraite.
Je vous encourage à lire les annexes du compte général de l'État, riches et documentées, qui apportent des éléments d'information essentiels pour la compréhension de la situation financière de l'État. Comme l'an passé, cette dernière fera l'objet d'une note de synthèse spécifique d'ici l'été.
En conclusion, au terme de sa mission, la Cour certifie avec réserve que le compte général de l'État est, au regard du recueil des normes comptables de l'État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'État à la clôture de l'exercice. Elle formule dix-sept observations, dont quatre anomalies significatives et treize insuffisances d'éléments probants.