Le Sénat a adopté cette proposition de loi la semaine dernière. Force est de constater qu'il a modifié totalement le texte adopté par l'Assemblée nationale. Je l'en remercie, tant la proposition de loi, telle qu'elle était sortie de notre assemblée, était mal construite et mal pensée.
Les propos de Gérard Longuet sont particulièrement sévères à l'égard du texte de notre assemblée. Il le qualifie dans son rapport de « mythe, celui d'un retour vers un passé qui, pour être souhaitable, n'en est pas moins illusoire », ignorant des réalités et des enjeux. Le professeur Coleman, dans une tribune publiée dans Le Monde il y a quelques jours, écrivait quant à lui : « cette proposition de loi s'apparente à un coup d'épée dans l'eau ». L'un et l'autre disent ce que nous avons essayé de vous faire comprendre lors de l'élaboration du texte.
Nous sommes tous d'accord pour aider EDF dans son combat stratégique consistant à reconstruire notre proposition énergétique. La preuve en est que, dès le mois de juillet, la Première ministre a annoncé la reprise à 100 % du capital d'EDF – c'est la raison pour laquelle l'intitulé initial de la proposition de loi n'avait pas de sens. Pire encore que s'il s'agissait d'un texte avant tout symbolique, inutile et passant à côté des vrais enjeux, Gérard Longuet considère que « les dispositions de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale pourraient être exploitées par les adversaires de la France au Conseil [européen] et conduire à affaiblir nos positions ». Elles mettraient en danger, notamment, « la relance de la filière nucléaire nationale ». Non seulement ce texte ne sert pas à grand-chose, mais il est dangereux.
S'agissant de la partie relative à la détention du capital, je ne reviens pas sur le fait que le processus d'acquisition par l'État de la totalité du capital arrive à son terme. Les articles 1er et 2 du texte adopté par l'Assemblée nationale étaient, comme nous le disions, au mieux inutiles et sans nul doute source d'insécurité juridique et de confusion. Le Sénat a validé cette analyse et s'est borné à prévoir dans la loi que le niveau de détention du capital d'EDF par l'État ne pourrait être inférieur à 100 %. Il s'agirait donc de valider a posteriori le choix stratégique du Gouvernement portant sur le capital d'EDF. Je ne suis pas certain que ce dispositif soit indispensable. En tout état de cause, il conviendrait, à tout le moins, d'éviter de revenir à la position initiale de l'Assemblée nationale.
S'agissant des TRVE, dont je continue de penser qu'ils n'ont pas de rapport – même indirect – avec l'objet de la proposition de loi, et qu'ils contreviennent aux articles 40 et 45 de la Constitution, le Sénat a choisi de les étendre à toutes les TPE, annulant ainsi en grande partie la mesure votée à l'Assemblée nationale, en raison de son incompatibilité avec le droit communautaire – obstacle juridique que nous avions dénoncé dès le départ. Quant au coût de la mesure pour l'État, vous aviez dit ici même en première lecture qu'il serait important, monsieur Brun, mais nous attendons toujours des éléments plus précis.
Par ailleurs, le rapporteur Gérard Longuet lui-même relativise fortement l'intérêt de la disposition adoptée par le Sénat : « Il ressort de […] l'opérationnalité matérielle de la création de nouveaux TRVE, qu'à très court terme, un soutien opérationnel concret aux TPE et aux PME ne peut passer que par une accélération de la mise en œuvre et/ou un renforcement des dispositifs d'amortisseur et de “sur-amortisseur” ». Je vois dans cette analyse la reconnaissance de l'utilité des dispositifs que nous avons créés. Certes, ils sont imparfaits, mais ils peuvent être mobilisés sans délai en faveur des PME et des TPE. J'y vois aussi l'aveu que le souhait d'étendre les TRVE relève avant tout de l'affichage et ne règle en rien les problèmes concrets des TPE, a fortiori quand on prétend que cette extension ne coûterait rien.
Pour ma part, je continue de penser que le mécanisme défendu par certains de nos collègues à l'Assemblée nationale était extrêmement coûteux, ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas dissimulé. Il a même fallu, en séance, que la majorité de circonstance s'accorde pour préciser dans le texte que l'extension des TRVE, par dérogation au dispositif du bouclier tarifaire, ne serait pas compensée par l'État pour les fournisseurs, pour tenter de pallier l'irrecevabilité manifeste du dispositif initial au titre de l'article 40 de la Constitution.
Au total, il s'agit soit d'un dispositif coûteux, car s'apparentant à une extension du bouclier tarifaire, et dans ce cas il est irrecevable, soit d'une extension des seuls TRVE à toutes les TPE, mais alors le mécanisme ne les protège en rien, ni dans l'immédiat ni à moyen terme : les TRVE sont construits sur la base des prix de marché. Dans ces conditions, nous proposerons de supprimer cette mesure et, si elle était maintenue, je demanderais de rétablir le gage visant à compenser la charge supplémentaire, afin de signifier l'impact d'une telle mesure sur nos finances publiques.
Face à la montée des prix de l'électricité, nous avons déjà pris plusieurs mesures destinées à aider les entreprises. L'enjeu est important, mais il est sans rapport avec l'objet initial de la proposition de loi, à savoir la nationalisation d'EDF. Qui plus est, le dispositif que vous proposez ne serait pas opérationnel rapidement. Il ne réglerait donc en aucune manière les problèmes des entreprises, auxquels il est urgent de répondre. Nous étudierons l'impact réel sur les PME et les TPE des dispositifs existants et, si cela s'avère nécessaire, nous les renforcerons, mais le mécanisme proposé dans ce texte est un contournement. Il supposerait la modification et la renégociation de dizaines de milliers, voire de centaines de milliers de contrats entre les entreprises et leur fournisseur d'électricité. Il n'est donc pas opérationnel.