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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques :

On peut entendre la réflexion concernant la pression exercée sur les industriels à travers une forme de flexibilité des ressources. Mais d'autres pressions peuvent également intervenir : nous pouvons imaginer qu'une hausse de la dépense pourrait se heurter à une offre insuffisante, surtout dans un contexte de hausse généralisée des budgets militaires à l'échelle mondiale, laquelle pourrait entraîner elle-même une hausse des prix. Je préfère une construction plus robuste. En tant que Premier président de la Cour des comptes et président du HCFP, je suis plutôt favorable à un alignement des crédits et des besoins, afin de réduire l'incertitude.

Par ailleurs, comme je l'ai déjà indiqué, l'inflation prévue laisse malgré tout de la place pour une hausse de la dépense en volume. Cependant, cette inflation devrait être plus élevée, notamment en 2023.

Ensuite, je me défends d'être un maniaque de l'austérité ou de ne m'intéresser qu'aux dépenses, sans aborder les recettes. Il m'arrive d'ailleurs de me rendre à l'Assemblée en tant que président du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) et de présenter des réflexions sur les impôts. Cependant, nous menons nos analyses dans le cadre de la loi organique. Nous avons donc comparé la trajectoire des dépenses prévues par le projet de loi de programmation militaire avec les autres dépenses prévues par le projet de loi de programmation des finances publiques. Tel est notre mandat : nous agissons dans un cadre fixé.

Néanmoins, sur le fond, je constate que les dépenses publiques représentent 58 % du PIB. Dans ce cadre, leur augmentation poserait quand même un certain nombre de problèmes, y compris en termes de recettes puisque les prélèvements obligatoires avoisinent les 45 %. Mais encore faut-il que nos concitoyens soient totalement satisfaits de la qualité du service public, ce dont je ne suis pas absolument sûr, en tant que citoyen. Je considère donc qu'il est temps de s'intéresser à la qualité de la dépense publique. Je ne postule jamais qu'il faut atteindre tel ou tel niveau de la maîtrise de la dépense, mais que de la qualité doit découler une efficacité supérieure, qui ne se réalise pas forcément à un coût supérieur.

Je ne veux pas me prononcer sur l'idée d'une « loi plancher ». Il est assez logique que les positions de Bercy, du ministère de la défense, de Matignon et de l'Élysée soient différentes, chacun étant dans son rôle. Je ne goûte donc guère au terme d'insincérité : pour être insincère, il faut avoir l'intention de tromper. S'il s'agissait d'une « loi plancher », cela supposerait une accélération, mais il faudrait alors trouver les recettes ou de moindres dépenses ailleurs. La maîtrise de la dépense que l'on ne ferait pas sur telle ou telle loi de programmation sectorielle finirait par entraîner une baisse en volume difficile à assumer pour le reste de la dépense publique, notamment les dépenses sociales, de transfert ou d'éducation. Incontestablement, ce phénomène de vases communicants existe. La multiplication de lois de programmation sectorielles sans une loi de programmation d'ensemble peut aboutir à une situation in fine assez absurde.

J'ai déjà évoqué devant la commission des finances les risques induits par une absence de loi de programmation des finances publiques. Ces risques sont à mon avis de nature juridique, politique et financière. Quoi qu'il en soit, il existe bien un risque que le HCFP ne puisse exercer sa mission sur les prochaines lois de règlement. En effet, leur objet consiste à comparer les résultats aux objectifs de la LPFP.

Je rappelle à ce titre qu'il n'y a pas eu de loi de règlement l'année dernière. On peut donc estimer que le processus d'élaboration de la loi de finances devient discontinu, ce qui peut poser un problème juridique sérieux. Enfin, il existe également un risque sur les financements européens. Aujourd'hui, les règles européennes ont été suspendues en raison de la crise Covid, mais elles finiront un jour par être réinstaurées. Il sera toujours nécessaire de s'accrocher à un objectif de moyen terme prévu par une ancre interne de finances publiques. Il est très donc compliqué de vivre sans une loi de programmation des finances publiques, qui doit être crédible et ambitieuse.

Enfin, les Opex sont déjà financées par solidarité interministérielle, comme le prévoient les procédures de la LPM. Ce sujet ne me paraît pas problématique en termes financiers.

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