Je vous remercie. Vous avez déjà évoqué mes activités. Je ne perdrai donc pas de temps à me présenter en détail. Je tiens seulement à préciser que j'interviens aujourd'hui en tant qu'experte indépendante, je ne représente pas l'université de Maastricht ni une autre organisation. Je parlerai des Uber files, dont j'ai une connaissance publique, à travers les révélations des médias.
Je souhaite débuter en vous expliquant quelques principes qui concernent l'encadrement des activités de lobbying. L'un des problèmes qui ont été soulevés et rendus visibles dans le cadre des Uber files était lié au fait que l'entreprise Uber avait la possibilité de nouer des rapports très proches avec des décideurs et des personnalités politiques et d'utiliser cette proximité de manière très discutable en termes d'éthique, dans l'objectif de façonner les environnements réglementaires à son bénéfice. Même lorsqu'ils ont commencé à opérer illégalement, les responsables de cette société avaient également pour objectif de modifier a posteriori les réglementations.
Le problème porte sur la proximité des lobbyistes avec les décideurs publics. L'enjeu consiste donc à encadrer ce type de comportements et à développer une réglementation des lobbys, pour empêcher la survenue de ces situations qui peuvent corrompre la nature même de la prise de décision par les autorités publiques, afin de garantir une meilleure sécurité du système à l'avenir.
Mon expérience m'incite à soutenir que trois points doivent être particulièrement pris en compte. En premier lieu, il faut développer une très bonne compréhension des objectifs de la réglementation des activités de lobbying. Le principal objectif consiste à gérer les risques, c'est-à-dire réfléchir à la relation entre les lobbyistes et les décideurs publics. Celle-ci est parfaitement normale dans une démocratie, mais elle peut aussi comporter quelques dangers et donc nécessiter de mettre en place un certain nombre de garde-fous. En matière de réglementation des risques, il importe de disposer des bonnes informations révélées par les registres de lobbyistes et d'autres outils.
Ensuite, il ne faut pas uniquement réglementer l'activité des lobbyistes, mais aussi fixer des règles déontologiques équivalentes à destination des responsables publics. Le troisième point concerne la manière dont l'information circule : comment améliorer la transparence et prévoir les risques ? La transparence ne fonctionne pas seule, l'information publique doit être utilisée de manière efficace, afin de prévenir les problèmes éthiques.
Dans ce cadre, je recommanderais par définir le rôle de lobbyiste ou de représentant d'intérêts auprès de l'Union européenne. Cela passe par la fixation de limitations de durée de lobbying et par des exigences d'enregistrement d'activités. En effet, l'absence d'un tel encadrement peut affaiblir le système.
Nous avons également besoin de mettre en place des obligations déclaratives. De nombreuses parties prenantes veulent comprendre le financement du lobbying mais, en réalité, le montant des dépenses consacrées au lobbying n'a pas forcément de relation directe avec l'influence. En réalité, il faut comprendre « l'empreinte législative » : c'est-à-dire qui parle avec les décideurs, sur quel sujet et quel est le contenu de l'interaction ?
Les exigences de déclaration doivent intervenir de manière assez fréquente, afin que les citoyens ou les parlementaires puissent suivre ce qui se passe de manière très précise. Il faut disposer d'un système légal comme un registre de lobbyistes, mais également d'une autorité indépendante pour garantir le respect de ces règles.
Puisque le lobbying est une relation entre deux parties, il faut également définir des interdictions ou des limitations concernant le cumul d'emplois, les parachutes dorés, le phénomène des « portes tournantes » ou les cadeaux. En réalité, la transparence fonctionne quand on fait en sorte qu'elle fonctionne. De fait, publier l'information ne suffira pas à changer la situation.
Une bonne déclaration de lobbyiste doit pouvoir être accessible au public grâce à un moteur de recherche et un format ouvert. Ces éléments doivent permettre à ceux qui effectuent la surveillance de le faire de manière efficace, de façon à comprendre les contours de cette influence, qui peut être très discrète.
Enfin, il faut comprendre que les changements ne peuvent intervenir du jour au lendemain. En matière de divulgation, les changements de culture et de pratique se mesurent sur le long terme. Quand les autorités savent qu'un regard public est porté sur elles, elles réfléchissent plus à leurs interactions. Cela peut fournir une meilleure culture d'engagement entre le secteur public et le secteur privé. Ces éléments sont essentiels pour protéger l'intégrité du système politique et se défendre contre la corruption.
J'en ai terminé de ma présentation et suis prête à répondre plus précisément à vos questions, si vous souhaitez de plus amples détails.