Je n'ai pas eu connaissance des moyens évoqués en appel par le ministère public. Qui plus est, j'ignore s'ils sont disponibles. La procureure, qui me semble-t-il, est la même que celle du dossier Deliveroo, va au bout de sa démarche. Quoi qu'il en soit, Stuart respectera la décision qui sera prise.
Ensuite, le marché du travail est particulièrement tendu, y compris en France. Venant de débuter une activité dans le domaine de l'éducation, je vous confirme qu'il est particulièrement nécessaire d'adapter les compétences de nos travailleurs aux demandes du marché.
Il me semble donc essentiel de maintenir une certaine flexibilité, qui est par ailleurs le souhait de la plupart des travailleurs. Si des éléments rationnels prouvent que les travailleurs demandent à être salariés, il faut les prendre en compte. Mais si la voie de l'indépendant est maintenue, les questions de la protection sociale et de l'équité sont clefs. Aujourd'hui, il semble y avoir un rééquilibrage entre les salaires de haut revenus et les salaires de bas revenus dans la relation de salariat. Chez les indépendants, cette redistribution est faiblement assurée, puisque les professions libérales ne participent pas nécessairement à la solidarité nationale en faveur des indépendants à bas revenus.
En revanche, il me semble nécessaire d'assurer une équité entre le niveau de protection et le niveau de cotisation. Une des possibilités pourrait donc consister à imposer aux plateformes d'être tiers déclarants ou collecteurs, comme c'est le cas pour d'autres acteurs dans l'industrie. Je suis favorable à la protection sociale et à la demande des travailleurs. On pourrait même laisser la liberté à une personne de choisir son statut, mais cela nécessiterait une refonte complète de notre droit du travail.
Enfin, Madame Roullaud m'a interrogé sur les conséquences de l'imposition d'une présomption de salariat par l'Union européenne. Tout dépend de la perspective de chacun. Du point de vue de l'équité sociale, cela sera sans doute favorable. En revanche cela sera dommageable si les travailleurs préfèrent majoritairement être indépendants, ce qui semble être le cas.
D'un point de vue opérationnel, cela entraînerait par ailleurs la superposition de la « ressource », puisque chaque plateforme aurait ses propres salariés, ce qui n'est pas le cas dans le reste du transport. Par exemple, des sociétés de sous-traitance effectuent des prestations pour des acteurs du transport lourd ou léger, compte tenu des effets de mutualisation.
Si trois flottes cohabitaient au sein d'une même zone géographique, le transport serait sous-optimisé. Aujourd'hui, la possibilité offerte à chaque plateforme de recourir à un plus grand nombre de livreurs renforce les effets d'échelle et permet d'optimiser les temps de parcours et de collecte. Si chaque société, plutôt que de faire appel à une flotte de taxis indépendants fait appel à cinq taxis, le taxi mettra vingt minutes à arriver au lieu de cinq.
Le concept de mobilité partagée est donc essentiel pour assure la fluidité du système. Un système de flottes propriétaires ou en situation de monopole serait dommageable en matière d'optimisation des transports, de mon point de vue. Mais encore une fois, ceci relève d'un choix politique.
Enfin, nous évoluons dans un monde où la ressource est contrainte. La responsabilité des acteurs consiste à favoriser le développement d'une mobilité durable pour les personnes et les marchandises et à créer les conditions d'un système efficace, qui passe par une ressource mutualisée selon moi.
Le salariat pourrait y contribuer, s'il s'effectue à temps très partiel et s'il est délimité sur une certaine période. Mais au-delà du salariat, que souhaite-t-on favoriser ? S'agit-il d'une équité dans la protection sociale ? S'agit-il d'un cadre d'horaire fixe nécessitant un engagement de la part du salarié ? En effet, la relation dans le cadre d'un contrat de travail induit nécessairement des contraintes. Ces sujets éminemment intéressants relèvent des choix des décideurs politiques.