Nous avons effectivement eu recours à des sous-traitants qui salariaient leurs livreurs et, simultanément, nous avons recruté en propre des salariés. Désormais, Stuart emploie plus de salariés qu'elle n'a de sous-traitants.
La modification de la législation espagnole a entraîné de nombreux changements. En effet, le modèle avait été construit pour offrir une liberté, comme celle de pouvoir accepter ou refuser des courses. En effet, notre application laisse aux livreurs 20 à 25 secondes pour faire ce choix. À l'inverse, un contrat de travail impose des horaires fixes et l'acceptation des courses pendant la période : il s'agit bien d'une relation de contrôle et de subordination.
Nous avons donc dû adapter notre modèle opérationnel, pour entrer dans une logique de planning et de ressources contraintes, impliquant son lot de contraintes et responsabilités pour les parties prenantes. Encore une fois, cette modification a entraîné une forme de rigidité, quand le système reposait au préalable sur une flexibilité des deux parties. Le livreur pouvait se connecter où et quand il le souhaitait, il pouvait accepter ou refuser les courses et se connecter à d'autres plateformes. De son côté, la plateforme avait la possibilité de solliciter un maximum de livreurs partenaires sur la plateforme, particulièrement pendant les périodes de pic d'activité.
Nous avons essayé d'adapter la société pour « superposer » des horaires de travail, afin de pouvoir répondre aux pics de demande, grâce à un plus grand nombre de livreurs à disposition. Nous avons dû faire en sorte d'associer des plannings fixes à une demande fluctuante par essence. Ce travail a nécessité du temps : nous avons mis un an à bien cerner l'état de la demande. Nous avons également subi un impact opérationnel certain, dans la mesure où la période de transition a aussi engendré un surcoût significatif.
Nous avons dû adapter l'offre : puisque notre charge était plus rigide, nous avons dû jouer sur les délais, en fonction de la demande. Les délais ont donc été rallongés, notamment le vendredi soir, quand les standards de livraison étaient auparavant de vingt minutes. Il nous a fallu mettre en place un système d'optimisation, le batching de courses, qui consiste à envoyer plusieurs courses à un même livreur au départ d'un seul point de retrait, pour améliorer l'efficacité. Ce faisant, les délais de livraison s'en trouvent naturellement rallongés.
En résumé, l'adaptation a été compliquée et a entraîné des surcoûts. Stuart retrouve progressivement les niveaux d'efficacité opérationnels qu'elle avait pu connaître par le passé, mais la transition demeure difficile et ne me semble pas correspondre aux souhaits de la majorité des travailleurs de ces plateformes.