Je vais m'attacher à reprendre votre argumentation et m'efforcer d'apporter le plus de précisions. Vous avez évoqué l'enquête de l'OCLTI, qui a conduit à une procédure judiciaire. Contrairement à ce que vous avez indiqué, la relaxe n'a pas été prononcée pour manque de preuves, selon nos conseils. Ce jugement de soixante pages pèse les éléments à charge et à décharge, à l'issue de deux ans d'enquête au cours desquels l'OCLTI a notamment eu accès aux boîtes mails des fondateurs. Le tribunal a entendu pendant deux à trois jours les différentes parties, les réquisitions du parquet et les arguments de la défense. Il a conclu à une relaxe sur la partie relative au travail dissimulé.
À la question de savoir si l'enquête de l'OCLTI a conduit Stuart à adapter son modèle avec des autoentrepreneurs, je réponds très clairement par la négative. Le modèle de Stuart n'est pas un modèle de sous-traitance, mais d'intermédiation. Par ailleurs, nous avons une activité qui s'apparente à une forme d'utilisation de la sous-traitance, mais il s'agit là d'un modèle différent, à partie d'un modèle opérationnel différent.
En revanche, le volet intermédiation, qui est l'objet de la commission d'enquête, est mené entre des utilisateurs qui demandent des courses et des partenaires de livraison, majoritairement autoentrepreneurs. L'utilisation de ce que vous appelez des « sociétés écran », qui sont contractuellement des sociétés de transport, a été envisagée par les fondateurs lors de la création de l'entreprise, pour répondre à la réglementation sur les transports en France. En effet, lorsque vous opérez une livraison pour compte de tiers, vous devez disposer d'une capacité de transport de marchandises. Pour obtenir cette capacité, il faut attester d'une honorabilité financière et d'un certain nombre d'heures de formation.
En Angleterre, une telle réglementation n'existe pas et, en Espagne, elle n'est pas comparable. En Angleterre, le partenaire motorisé de l'intermédiation de Stuart est un autoentrepreneur de type self-employed. En France, cela pourrait être le cas si l'autoentrepreneur disposait d'une capacité de transport de marchandises. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de parler du débat sur la micro-capacité de transport lors de vos auditions, mais la capacité de transport actuelle nécessite des heures de formation et le passage d'un examen, comme pour la carte VTC.
Aujourd'hui, peu d'autoentrepreneurs disposent de capacités de transport pour des véhicules motorisés, par exemple les livreurs à scooter. Les fondateurs de Stuart ont effectué un choix spécifique, validé par leurs conseils : dans le cas d'une intermédiation motorisée, il s'agissait d'utiliser en partenaire de livraison une société de transport disposant d'une capacité de transport, qui peut-être potentiellement une microentreprise. Mais en réalité, sur le marché, peu d'autoentrepreneurs disposent de cette capacité. Par conséquent, les sociétés de transport présentes sur la plateforme ont la charge de confier à leurs salariés les courses qui leur sont proposées. Enfin, l'inscription de sociétés de transport sur la plateforme n'a pas été rendue possible à la suite de l'enquête de l'OCLTI. Elle a été rendue possible pour répondre aux exigences en matière de capacité de transport.
Vous avez par ailleurs évoqué l'enquête d' Envoyé spécial, que nous avons pris en compte. Nous avons d'ailleurs été sollicités par un policier qui conduisait une enquête sur le dirigeant des sociétés dont vous faisiez mention. Dès lors que nous avons eu connaissance des faits reprochés, que nous condamnons absolument, nous avons mis fin aux relations commerciales avec le dirigeant de cette société de transport. Nous continuons de coopérer dans le cadre de l'enquête en cours sur ce dossier.