Mes chers collègues, nous recevons Monsieur Damien Bon, ancien directeur général de la société Stuart, spécialisée dans la livraison à la demande de courses, de colis ou de repas pour d'autres plateformes comme Just Eat ou Resto In. Cette société a été créée en 2015 par MM. Benjamin Chemla et Clément Benoît, et elle a été rachetée en mars 2017 par Geopost, société holding détenue par le groupe La Poste. D'après les informations à ma disposition, vous avez succédé à M. Benjamin Chemla en septembre 2015 pour diriger Stuart et vous auriez quitté cette société il y a quelques semaines.
Je vous rappelle que notre commission d'enquête poursuit un double objectif : d'une part, identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour pouvoir s'implanter en France, le rôle des décideurs publics de l'époque et émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts ; d'autre part, évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France et les réponses apportées et à porter par les décideurs publics en la matière.
Sur le premier point, il est évident que vous n'êtes pas concerné au premier chef. Néanmoins, il serait intéressant de nous indiquer quelles relations l'entreprise Stuart entretient avec sa maison-mère, La Poste, et plus largement avec les pouvoirs publics. Avez-vous par exemple été conduit à demander des modifications réglementaires pour faciliter votre activité ? Le cas échéant, pourriez-vous nous indiquer quels étaient vos interlocuteurs au sein des pouvoirs publics ?
Sur le second point, nous avons notamment été conduits à nous interroger sur le statut des employés des plateformes d'emplois comme Uber ou Stuart, employés comme travailleurs indépendants mais souvent requalifiés par le juge comme salariés en raison d'un lien de subordination vis-à-vis des plateformes employeuses. Je serais intéressé de connaître votre point de vue sur ce débat.
De façon générale, que pensez-vous des évolutions de la jurisprudence française tendant à attribuer la qualité de salariés aux travailleurs des plateformes et du projet de directive en cours de discussion visant à introduire une présomption de salariat pour l'ensemble des travailleurs des plateformes ?
Que pensez-vous également de la création de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emplois (Arpe) en 2021 pour instaurer un dialogue social entre les travailleurs et leurs plateformes d'emploi ? Stuart est-elle représentée à l'Arpe ?
Concernant la société Stuart en particulier, nous avons constaté qu'elle a été poursuivie pour travail dissimulé en 2015-2016 et condamnée en janvier 2023 à une amende de 50 000 euros pour prêt de main-d'œuvre illicite, M. Chemla ayant été condamné sa part à une amende de 10 000 euros. Pouvez-vous nous expliquer le contexte de cette procédure et nous dire si la société Stuart a fait appel ? Est-ce l'une des raisons pour lesquelles vous avez quitté la société ?
Lors de son audition, Maître Giuisti a indiqué à notre commission que la plateforme Stuart emploierait aujourd'hui des entreprises éphémères comme sous-traitants pour réaliser ses livraisons et éviter des contraintes administratives et fiscales : est-ce le cas ? Dans l'affirmative, pensez-vous avoir le droit de procéder ainsi ? L'entreprise a-t-elle fait l'objet de nouveaux contrôles administratifs sur ce terrain ?
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et qu'elle est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».