La visualisation multilatérale du problème s'est avérée progressive. Tous les pays perçoivent désormais le problème de fiscalisation des entreprises multinationales, aussi bien en matière de lieux de répartition des profits qu'en matière de niveau de fiscalisation, ce qui renvoie à la question des « paradis fiscaux ».
Dans le cadre des initiatives successives portées par l'OCDE et relayées à plusieurs reprises par les dirigeants du G7 et du G20, la France a joué un rôle extrêmement actif dans la conception du dispositif, à travers les nombreuses participations aux groupes de travail de l'OCDE.
S'agissant du pilier 2, plusieurs groupes de travail sont en cours afin de définir les règles fines de fonctionnement des systèmes de déclaration des grandes entreprises françaises et la manière de recueillir les informations des grandes entreprises étrangères qui opèrent sur le marché français. L'objectif est de s'assurer que la redevance des 15 % est bien perçue. Pour ma part, j'ai confiance dans les systèmes de reporting et je considère ne pas avoir besoin de reproduire des contrôles en aval.
En outre, la France a relancé le débat à plusieurs reprises sur ces différents sujets, notamment dans le cadre d'un chantier ayant duré plusieurs années. Des moments de « creux » ont nécessairement eu lieu au gré des évolutions politiques des différents pays. Les interventions françaises ont permis de poursuivre les initiatives, notamment sur le pilier 2. En tout état de cause, le travail de l'Union européenne a permis d'adopter des directives, lesquelles ont été transposées rapidement en France.
Ainsi, dans le cadre de l'adoption d'un projet de directive européenne, des difficultés ont parfois été rencontrées avec la Hongrie, la Pologne et l'Irlande. La France a alors annoncé son intention de mettre en œuvre le pilier 2 y compris en l'absence d'accord. Dans un communiqué de presse piloté par la France, plusieurs pays ont fait part de la même position, ce qui a conduit les autres à se rallier au projet de directive. En effet, si la France et ses partenaires avaient déployé le pilier 2 de l'OCDE, ils auraient capté directement une partie de la sous-fiscalisation y compris celle localisée dans des filiales lointaines. Mécaniquement, la France aurait donc prélevé de la « matière fiscale » à des pays qui n'auraient pas appliqué le pilier 2 de l'OCDE. Son annonce a donc incité tous les pays à aller de l'avant. S'agissant du pilier 1, un accord multilatéral demeure nécessaire car il est impossible de répartir les profits entre les pays si l'intégralité de ces derniers n'est pas impliquée.
En pratique, les travaux relatifs au pilier 2 ont progressé pour aboutir à la phase actuelle de mise en œuvre. Demain, je participerai à une réunion au titre de ma fonction de vice-président du forum des administrations fiscales de l'OCDE. Nous évoquerons à cette occasion la mise en œuvre concrète du pilier 2 et des besoins d'appui de certains pays, dont ceux dont les administrations sont les moins susceptibles de s'embarquer rapidement dans ce pilier. Plus généralement, la France porte continuellement ces sujets dans toutes les instances.