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Intervention de Mathias Moulin

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Mathias Moulin, secrétaire général adjoint de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) :

À ma connaissance nous n'avons pas de contacts particuliers avec l'Arpe, ni nous ni cette autorité n'en ayant sollicité. Le seul contact que nous ayons eu, assez indirect, a été en octobre 2021, lorsque le ministère du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion a saisi la Cnil pour avis d'un projet de décret en Conseil d'État relatif à l'organisation et aux conditions de déroulement du scrutin destiné à mesurer l'audience des organisations de travail des plateformes. Nous avons alors rendu une délibération sur ce projet de décret, qui impliquait un traitement automatisé des données.

Vous évoquiez la possibilité que les traitements algorithmiques recouvrent des discriminations. Ce sont là des questions que nous traitons davantage avec le Défenseur des droits, qui est pleinement compétent en la matière. Nous avons pu échanger avec le Défenseur des droits à l'occasion de contrôles que nous avons réalisés, par exemple, sur l'accès à l'emploi. En effet, certains algorithmes trient automatiquement des CV, y compris en vidéo. Nous avons ainsi constaté, à l'occasion d'un contrôle, que les personnes vivant dans la région parisienne étaient valorisées par rapport à d'autres car l'algorithme avait été entraîné avec des personnes de cette région, de telle sorte que la présence d'un accent, méridional par exemple, faisait baisser la notation et le résultat du candidat car elle était interprétée comme un problème d'élocution, alors qu'il ne s'agissait que d'un problème d'entraînement de l'algorithme. De tels biais ne procèdent pas d'une volonté de discrimination de la part de l'organisme recruteur mais d'un entraînement de l'algorithme.

D'autres biais peuvent être liés au sexe. Ainsi, il y a fort à parier que 90 % des CV d'une base d'entraînement de CV d'ingénieurs seront des CV d'hommes, de telle sorte que l'algorithme en déduira bêtement que, pour être ingénieur, il faut être un homme ! Ce sont là des éléments que nous contrôlons et à propos desquels nous dialoguons avec le Défenseur des droits mais nous n'avons pas eu à traiter ces questions avec l'Arpe.

Quant à votre deuxième question, qui était de savoir si la requalification du contrat aurait une influence sur l'application du RGPD, la réponse est : oui et non. Se posent, là encore, des problèmes d'articulation : dans le cadre d'une relation de travail, la base légale de certains traitements changera car ces traitements seront imposés par le code du travail, qui prévoit notamment des registres d'employés et divers traitements de données à caractère personnel pour la gestion de la paie, de la santé au travail ou de la prévention, ainsi que des durées de conservation, par exemple pour les bulletins de paie ou certaines évaluations, les modalités d'information et l'implication des instances représentatives. La requalification en salariat aura donc un impact mais ne changera pas fondamentalement les droits des personnes ni les obligations en termes de sécurité et d'information.

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