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Intervention de Frédéric Zgainski

Réunion du jeudi 6 avril 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Zgainski, président :

Nous avons l'honneur d'accueillir M. Mathias Moulin, secrétaire général adjoint de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), accompagné de Mme Astrid Mariaux, cheffe du service des contrôles des affaires économiques et de Mme Sophie Genvresse, cheffe du service de l'exercice des droits et des plaintes.

À partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international des journalistes d'investigation ont publié ce qu'il est désormais convenu d'appeler les Uber files. S'appuyant sur 124 000 documents internes à l'entreprise américaine datés de 2013 à 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif d'Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes, réservé jusqu'alors aux taxis.

D'une part, notre commission d'enquête cherche à identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber afin de s'implanter en France, ainsi que le rôle des décideurs publics de l'époque. Nous émettrons des recommandations concernant l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts.

D'autre part, cette commission a pour buts d'évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France, d'examiner les réponses apportées par les décideurs publics en la matière et de formuler des recommandations.

Votre audition s'inscrit dans cette seconde optique, compte tenu du fait que les plateformes d'emplois numériques telles qu'Uber utilisent des systèmes automatisés de données pour faire correspondre l'offre et la demande de travail.

Leur usage sert à la fois à assigner des tâches aux personnes qui travaillent par leur intermédiaire, le cas échéant, à les surveiller et à les évaluer, ainsi qu'à prendre des décisions les concernant. Ces pratiques sont souvent qualifiées de « gestion algorithmique ».

Si une telle gestion renforce l'efficacité du rapprochement de l'offre et de la demande, elle affecte de manière significative les conditions et le cadre du travail des plateformes. La gestion algorithmique peut ainsi masquer l'existence d'un lien de subordination et d'un contrôle exercé par la plateforme sur les personnes qui travaillent, comme l'a souligné à plusieurs reprises la jurisprudence de la Cour de cassation. Les éventuels stéréotypes sexistes et la discrimination véhiculés par la gestion algorithmique peuvent également amplifier les inégalités entre les hommes et les femmes.

Il ressort de nos auditions que la transparence est actuellement insuffisante en ce qui concerne les systèmes de surveillance et de prise de décision automatisés. Les personnes concernées, en particulier les chauffeurs VTC et les livreurs, se sont plaintes de ne pas disposer d'un accès facile à leurs données personnelles et aux données commerciales et estiment ne pas bénéficier de voies de recours pertinentes contre les décisions de ces systèmes.

La gestion algorithmique est un phénomène relativement nouveau et peu réglementé dans l'économie des plateformes, exception faite des règles de l'Union européenne prévues par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Cette situation pose des problèmes tant pour les travailleurs salariés que pour les travailleurs non-salariés exerçant leur activité par l'intermédiaire des plateformes de travail numériques.

La Commission européenne a d'ailleurs proposé une directive relative à l'amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, afin de renforcer non seulement leur transparence et la responsabilité de leur gestion algorithmique mais aussi les droits de leurs utilisateurs.

Pouvez-vous, sur ce point, nous dresser un état des lieux de la situation en France ? Avez-vous reçu des plaintes de la part des travailleurs des plateformes, à l'instar des cinq plaintes déposées par M. Ben Ali et son avocat, maître Giusti ? Pouvez-vous nous les présenter et nous préciser l'état de la procédure ?

Que pensez-vous des améliorations proposées par la Commission européenne dans son projet de directive ? Le texte est-il suffisamment ambitieux et précis ? S'articule-t-il correctement avec les dispositions du RGPD ? Élargira-t-il les missions de la Cnil ou son champ d'intervention ?

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

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